Monsieur le Président de la République,
Nous avons en France tous les outils à disposition pour gérer une présence médicale sur la totalité du territoire jusque dans la vallée la plus reculée afin de servir les malades, les blessés et les handicapés. La question n’est en rien celle du nombre de médecins à déployer demain, mais bien celle de leur organisation entre eux et avec les autres professionnels de santé, à laquelle s’ajoute la puissance des moyens numériques mis à notre disposition. Vouloir injecter 1600 médecins supplémentaires est une grave erreur qui ne conduira qu’au désordre et à la rancœur dans dix ans quand les carabins arriveront sur le marché du travail. A vouloir suivre une telle politique à courte vue pour simplement faire croire aux français qu’on va les sauver est un mensonge. Alors que les moyens de télétransmission, de télé consultation et de télé expertise sont déjà en action et vont croître de façon exponentielle, à suivre une telle politique nous nous enfermons dans un schéma traditionnel coûteux et inefficace de la dispensation médicale sans mesurer quel niveau de fiabilité et de capacité d’agir l’intelligence artificielle et la robotique auront atteint en 2030 !
Outre l’apport inestimable de ces nouvelles technologies, le transfert massif d’actes médicaux à des infirmiers et autres professionnels niveau licence ou niveau mastère (sages-femmes, kinésithérapeutes, orthoptistes, orthophonistes, assistants chirurgiens etc) qui agiront avec compétence et en toute responsabilité permettra d’assurer au minimum 50% des prestations réalisées actuellement par les médecins. Même en tenant compte de la réduction du temps de travail médical, ce sont moins de médecins qu’il faut former et beaucoup plus de soignants qui devront être considérés comme des professionnels « médicaux » à responsabilité graduelle et non pas comme des « paramédicaux ». En injectant plus de toubibs dans le système nous créerons mécaniquement des futurs chômeurs dans dix ans, alors que dans deux ans les premiers diplômés de mastère en chirurgie, radiologie, anatomopathologie, biologie, ophtalmologie, gynécologie et autres spécialités seront prêts à exercer. Qu’attend-on pour ouvrir largement de tels cursus ?
Il est inimaginable que les régions avec leur Agences de Santé ne puissent prévoir le nombre de médecins généralistes et de spécialistes à former en tenant compte de la convergence entre les outils numérique et ces nouvelles carrières infirmières. Nous allons droit dans le mur avec le sourire béat de ceux qui croient bien faire sans rien comprendre aux enjeux d’un univers technologique qui évolue à toute vitesse.
Le déploiement de cabinets secondaires dans les petites mairies ou les postes qui ferment, l’usage de cabinets médicaux mobiles qui sillonnent les campagnes et les banlieues à partir des milliers de maisons de santé, ces véritables hubs sanitaires de proximité que vous avez souhaité à juste titre ouvrir favorisera cette présence médicale sur tout le territoire national. La mutualisation des hélicoptères (armées, gendarmerie, pompiers, Samus, protection civile) capables de voler jour et nuit facilitera les transferts urgents vers les centres ultra spécialisés depuis le lieu l’accident ou de la maladie aiguë. Le déploiement prochain des voiture autonomes que vous avez annoncé, l’auto-prescription, à laquelle s’ajoute l’intégration plus forte des pharmaciens d’officine dans les soins, la prévention et l’éducation thérapeutique, bref, la globalité de ces moyens matériels et humains permettra de rendre les services en temps réel espérés par les populations. L’urgence est donc à la coordination et non pas à l’augmentation de personnels inutiles à terme.
Monsieur le Président, n’écoutez pas les sirènes de ceux qui défendent leurs petits boutiques privées ou publiques en regardant leurs pieds. Le plan Ma Santé2022 a du sens, du très bon sens et je l’ai salué publiquement, mais vouloir former plus de médecins est une hérésie que nous paierons très cher. Nous devrons à l’avenir former au maximum 8000 médecins dont 70% de généralistes et 30% de spécialistes. Nous devrons aussi réduire drastiquement le nombre d’actes inutiles et impulser la collaboration la plus étroite entre les professionnels. L’île de Molène (100 habitants l’hivers et six cents l’été) entre Brest et Ouessant n’a pas de médecin sur place mais deux infirmières qui se relaient 24h sur 24, le généraliste venant par bateau du Conquet chaque mardi après-midi. La télémédecine, la distribution de médicaments et les soins effectués par l’infirmière font le reste. En cas de gros pépin urgent le bateau de la SNSM ou l’hélicoptère transfère le patient vers le continent. Avez-vous déjà entendu les plaintes des habitants de l’île à travers le vent et les vagues ? Sans doute pas ! Alors, embarquons-nous sans état d’âme dans la vraie transformation des métiers de la santé et dans la mise à disposition des outils numériques de décision et de réalisation des prestation médicales. Les français vous en sauront gré.