La critique, on le sait, est facile et l’art de réformer difficile. Le projet de loi Pacte qui vient d’être voté à l’Assemblée n’est sans doute pas parfait, mais il prépare quelques heureuses avancées. Evidemment, dans le maquis des 222 articles d’une loi qui n’échappe pas aux défauts de la plupart des productions législatives actuelles, il n’est pas facile de distinguer les quelques pépites. Elles existent pourtant.
Le délai de cinq années donné pour s’adapter au franchissement des seuils est une mesure qui pourra aider des PME à résister plus facilement au choc de complexité lié à l’irruption d’obligations fiscales et sociales. La suppression du seuil des vingt salariés est a fortiori une bonne idée. On peut espérer que cet assouplissement soit le prodrome d’une suppression pure et simple d’une partie des obligations dont le poids décourage la croissance des effectifs : si les entreprises fonctionnent sans drames sociaux pendant cinq ans sans immédiatement les adopter, ne verra-t-on pas que bon nombre de ces obligations sont superfétatoires ?
Forfait social. La suppression du forfait social devrait rendre la participation et l’intéressement plus accessibles pour les entreprises de moins de 250 salariés. Une avancée très attendue qui pourrait favoriser la convergence des intérêts des salariés et des entreprises, à rebours de l’antagonisme idiot qui voudrait que profits et revenus du travailleur s’opposent par définition. Comment opposer demain, comme on le fait systématiquement en France, dividendes et salaires, si un nombre significatif de salariés sont aussi actionnaires ? Cela brisera la rhétorique rouillée de la lutte des classes. De plus, avec les mesures visant à faciliter l’accès à des financements diversifiés (entrée en Bourse, capital-investissement, crowdfunding ou ICO), il y a là des perspectives réelles d’amélioration de l’accès à des fonds propres qui font cruellement défaut.
Si l’affirmation du rôle social de l’entreprise satisfait au goût très français pour les déclarations philosophiques concrètement peu utiles, elle a le mérite de renouer avec une idée que le philosophe libéral Adam Smith lui-même avait proposé. Tant mieux si cela peut rappeler à certains que l’entreprise est le principal pilier de création de valeur pour la société. Dans une France ignorante des mécanismes économiques de base, il s’agit d’un utile travail de pédagogie dont tout Français, qu’il porte un gilet ou non, pourra profiter. L’avancée la plus notable de cette loi est peut-être moins dans sa lettre que dans son esprit. Les diagnostics sur lesquels elle est fondée sont enfin les bons : les entreprises ont besoin de simplicité et de bienveillance dans leur relation avec l’administration, de stabilité des règles, de possibilité de rebondir après un échec, de financements solides, de transmission aisée. Autant d’éléments d’une politique de l’offre relativement décomplexée qui cesse de concevoir l’entreprise comme une organisation crypto-esclavagiste et un réservoir infini de taxation. Pour la première fois depuis longtemps, le gouvernement semble vouloir se placer du côté des entreprises en ne les considérant plus comme des ennemies à contraindre mais comme des partenaires à assister. Tout cela va dans le bon sens. On attend donc avec impatience un prochain projet de loi qui ira plus loin et plus fort.