Aujourd’hui, j’étais à Paris pour la présentation d’un ouvrage coécrit par le docteur Laurent Alexandre et Jean-François Copé, dont le titre est éloquent : « L’I.A. va-t-elle aussi tuer la démocratie ». Au terme de cette présentation, d’inévitables discussions s’engagent dont l’une fait l’objet de ce billet.
J’étais en conversation avec un ami sur l’avenir chinois (tout un programme, donc) quand arrive un personnage qui se plante devant nous et nous lance, abruptement : « bonjour, je suis transhumaniste. Et vous ? »
J’avoue que j’ai eu l’impression de rencontrer une sorte de raëlien, ce genre de type qui vous propose sa religion, vous voyez ? Car il y avait dans ce propos une espèce de fierté à se présenter comme l’avenir de la race humaine, comme si ce monsieur devait convertir les autres à cette nouvelle religion. Et ça n’a pas loupé, la discussion tournait et glissait toujours autour du même thème : me convaincre, moi et mon ami d’adhérer à la cause du transhumanisme.
Sauf que pour moi, la proposition « pour ou contre le transhumanisme » est déjà dépassée. Nous sommes déjà des « transhumains » à partir du moment ou nos compétences humaines (cognitives ou biologiques) sont augmentées par la science. Nous le serons à chaque fois que notre vie sera améliorée ou que l’on sauvera celle de nos enfants mal en point. Nous le sommes à chaque greffe d’organe, à chaque implant placé dans notre corps, à chaque sélection génétique (ou non-sélection) in utero. Nous le sommes parce que nous modifions la Vie de façon non naturelle. Le transhumanisme est pour moi similaire à une « sélection non naturelle », forme extrême d’un eugénisme, qu’il soit positif ou négatif. Mais ce débat est donc dépassé, nous ne refuserons pas la possibilité de vivre plus longtemps. Pas d’hypocrisie…
La question sous-jacente qu’il faut absolument aborder en revanche est plutôt celle-ci : comment aborder cette nouvelle compétition mondiale autour de ce sujet. Comment faire face à la différenciation biologique, à la sélection extrême des bébés-Cripsr et au final au défi de la mise en place d’éthiques cohérentes pour chaque « métaculture » planétaire ?
La différenciation biologique amène toujours l’homme à la comparaison. La comparaison amène à la compétition, avec un vainqueur et un vaincu. La Vehrmacht a inventé la Blitzkrieg grâce à l’élaboration d’une drogue sous forme de cachet, la pervitine, une substance dérivée de la méthamphétamine. Les militaires ne dormaient plus pendant trois jours, prêts à marcher sur l’ennemi essoufflé. Rommel, le renard du désert, devançait toujours les objectifs de ses supérieurs, car il était shooté aux amphétamines. La question des drogues de combat n’est pas nouvelle, mais elle a le mérite de faire sortir les bisounours de leur torpeur. Ainsi, de la même manière, demain, le transhumain sera meilleur que l’homme. Il voudra se comparer à lui. Il sera jalousé par lui. Il sera plus fort. Et chacun voudra y aller de sa puissance, de sa démonstration de pouvoir (vaincre le Sida par génétique, faire la guerre en exo ou endosquelette, courir plus vite que son voisin, vaincre la mort…), de son combat.
Ces nouveaux compétiteurs se heurteront à des populations laissées pour compte et non augmentées, à des pans entiers de civilisation reposant encore sur des religions séculaires, mises en défaut dans leur acception ésotérique et plus ou moins véhémentes dans la revendication de leurs valeurs.
Ce monde de chaos se profile tandis que le pouvoir bascule du politique aux puissants dirigeants des GAFA et BATX. La question n’est donc pas vraiment d’être transhumaniste ou non, mais plutôt de savoir comment faire pour que cet avenir ne nous mène pas a un nouveau choc de civilisations.