Malgré leur stricte interdiction en France, 23andMe, Ancestry DNA, ou encore MyHeritage, entreprises privées étrangères, produisent, et exploitent une quantité importante de données génétiques françaises. Car malgré cette stricte interdiction: de nombreux français achètent leurs tests génétiques ; des chaines de télévisions françaises diffusent leurs films publicitaires ; des hôpitaux, des universités ou des instituts français, et donc des chercheurs français, collaborent et publient avec elles. Outre une méconnaissance de la loi, ou un délit volontaire, cette tendance à « l’infraction », souligne, qu’on le veuille ou non, une demande française importante, mais surtout, l’échec total de notre politique.
Plusieurs dizaines de millions de personnes, dans le monde, ont aujourd’hui acheté les tests génétiques commercialisés via internet par 23andMe, Ancestry DNA, ou MyHeritage. Ce marché est évalué a plusieurs dizaine de milliards de dollars. Ces données ont donc un intérêt stratégique majeur, tant pour notre recherche, que notre économie. Malheureusement, le monde académique et institutionnel français ne fait que critiquer, ou débattre, de ces entreprises sans proposer de solutions efficientes pour nos chercheurs, et nos entreprises. Cessons cette « politique de l’autruche », et admettons, enfin, qu’’il reste que deux solutions pour endiguer cette fuite significative, et néfaste, de données génétiques françaises vers l’étranger.
La première solution serait de changer la loi pour autoriser, en France, la création d’entreprises privées identiques à 23andMe, Ancestry DNA ou MyHeritage. Le problème est que cela pourrait conduire à aussi autoriser ces entreprises étrangères, leaders sur ce nouveau marché des données génétiques, à s’implanter en France, et donc, de leur offrir, réellement, le monopole de la production et de l’exploitation de nos données génétiques. Outre qu’être juridiquement délicat, ce choix pourrait donc être économiquement suicidaire. La seconde solution serait plutôt de ne pas changer la loi, et de continuer à faire ce que l’on fait déjà, c’est-à-dire développer des protocoles de recherche, ou « recherche impliquant la personne humaine (RIPH) », mais de s’inspirer de ce qui fait le succès de ces entreprises : il s’agit du protocole de recherche e-CohortE. Et cela, la loi ne l’interdit pas.
Comme ces entreprises, e-CohortE est multithématique. A travers de multiples questionnaires, évolutifs dans le temps, ils couvrent une multitude de sujets pouvant aller du cancer, ou du diabète, à la tolérance à la caféine, ou à la forme du visage. Car la complexité de notre génome requiert l’exploration de toutes les pistes possibles pour percer un jour l’ensemble de ses secrets, santé comprise. Ainsi, en multipliant le nombre de thématiques de recherche dans un même projet, nous augmenterons significativement la production et l’exploitation de données génétiques.
Ce point est essentiel. Car ceci n’est absolument pas envisageable avec les protocoles de recherche monothématiques actuels, où la production et l’exploitation des données génétiques se limitent strictement à la thématique pour laquelle le participant a consenti (ex : cancer du sein, diabète de type I, etc.). Toute nouvelle thématique implique la création d’un nouveau protocole de recherche : soit une perte de temps, d’argent et de données génétiques considérables. Rien qu’en cela, grâce à la finalité que propose e-Cohorte : « l’étude du génome associé à des questionnaires multithématiques », est une innovation pour le moins remarquable.
Mais ce n’est pas tout. Comme ces entreprises, e-CohortE utilise les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), à commencer par le consentement éclairé dynamique – tout en conservant, à la différence d’elles, la présence du médecin, au moment de la signature électronique du consentement par le participant -. Le consentement éclairé dynamique permet de constamment informer le participant sur les nouvelles thématiques, et de lui demander, pour chacune, son consentement. En l’absence de consentement, la recherche n’a ainsi pas lieu.
Cette digitalisation de la recherche en génétique aurait donc pour effet de multiplier les thématiques de recherche au sein du même projet, et donc d’augmenter significativement la production et l’exploitation de données génétiques, tout en laissant un control total aux participants. Et si plusieurs e-Cohorte sont créés, il est tout à fait envisageable de proposer aux participants d’un des e-CohortE de rejoindre l’autre, et vice-versa, voire même de fusionner les deux en un seul et même, afin d’augmenter, temporairement ou pas, encore davantage, la production de données, et d’améliorer leur exploitation, tant scientifique et médicale qu’économique ; et donc la compétitivité.
Pour finir, comme ces entreprises, e-CohortE privilégie, au moins à court terme, des structures et des financements privés, mais français. Car, actuellement, nos structures et financement publiques ne sont pas suffisamment rapides pour l’un, suffisamment importants ou mal gérés, pour l’autre. Ceci ne signifie pas que des structures et des financements publics français ne sont aucunement envisageables. Seulement que des changements structurelles, organisationnelles et fonctionnelles seraient préalablement nécessaires. Une bonne illustration est la mise en œuvre du plan France Médecine Génomique 2025 lancé en juin 2016. Ce plan, d’initiative publique, devait justement améliorer la production et l’exploitation des données génétiques françaises en France. Il n’en est toujours rien, ou presque.
Seul e-CohortE – que nous proposions déjà, en partie, dans le rapport sur l’intelligence artificielle du député Cédric Villani (p202), et que nous venons tout juste de publier dans Clinical Genetics – permettrait à la France, dès maintenant, de garder la main sur la production et l’exploitation des données génétiques Françaises, et d’endiguer leur fuite vers l’étranger. Seul e-CohortE offrent à chacun la possibilité d’obtenir toutes informations relative à son génome, mais de qualité – celles fournies par ces entreprises privées étrangères sont incomplètes et/ou erronées -, gratuitement, et avec un accompagnement humain et médical, grâce à nos moyens de prises en charge uniques, solidaires et équitables. 23andMe, Ancestry DNA, ou MyHeritage, elles, ne le permettent pas.
En d’autres termes, seul e-CohortE permet l’émergence d’une « génétique 2.0 » à la française (https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/cge.13595).
Pour aller plus loin, nous vous invitons à lire notre article récemment publié (disponible gratuitement en Anglais et en Français) en vous rendant sur le site internet de notre laboratoire « Neglected Human Genetics », où vous aurez accès à l’ensemble des articles scientifiques, des tribunes et des rapports, dont ce texte (extrait d’une de nos tribune réarrangée) : http://e-recherche.fr