Le médecin est un maillon essentiel du système de santé, il n’en est plus le centre

Le docteur en médecine Gaétan Casanova explique que si « la crise existentielle de la médecine générale atteint son paroxysme », « le seul centre légitime du système de santé doit rester le patient ».

« Une crise peut en cacher une autre. Pourquoi les syndicats de médecins généralistes revendiquent actuellement un tarif de consultation à 50 euros ? L’inflation, l’augmentation des charges et du coût de la vie exigent indéniablement une augmentation du tarif de la consultation. Mais pourquoi 50 euros ?

Si la motivation principale était d’ordre économique, il y aurait fort à parier qu’après de savants calculs les syndicats auraient proposé un prix bien plus précis et presque incontestable, avec probablement quelques chiffres après la virgule. Il n’en est pourtant rien car la crise que vit la médecine générale n’est pas financière, elle est existentielle. Le combat incessant de la légitimité La place du médecin généraliste est à la fois essentielle et peu enviable. Il est au cœur du système de santé, premier référent des patients et de leur famille et chef d’orchestre du parcours de soins.

Cette place particulière au cœur de la société le porte aussi en première ligne face aux réformes. Il a dû se battre durant des années pour sa légitimité face à des confrères trop orgueilleux qui considéraient hélas trop souvent la médecine générale comme un choix par défaut. C’est pourquoi, en quelques années, à l’image des autres spécialités, la médecine générale s’est dotée d’un internat de trois ans, récemment augmenté d’une année supplémentaire. Là aussi, derrière l’argument de la formation plane le spectre d’une blessure plus profonde : ne pas rester la seule spécialité médicale en trois années d’internat.

La nécessité fait loi : les trop tardives réformes du système de santé Aujourd’hui, 6 millions de français n’ont pas de médecin traitant. Cette situation difficile est le fruit d’une démographie médicale en berne dont l’amélioration devra au bas mot attendre 2030 mais aussi de besoins augmentés en raison du vieillissement de la population et de la chronicisation des maladies. Les politiques, ayant probablement oublié que gouverner c’est prévoir, réagissent une fois au pied du mur. Depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, de nombreuses propositions viennent augmenter le champ de compétence des autres professionnels de santé.

On développe la spécialisation des infirmiers avec les Infirmiers en Pratiques Avancées (IPA), on reconnait le grade universitaire de master aux kinésithérapeutes et tout récemment les sage-femmes se sont vu ajouter une sixième année d’étude qui leur confèrera le statut de docteur en maïeutique. Une récente proposition de loi portée par la députée de la majorité Stéphanie Rist ose même le sacrilège ultime : permettre aux patients d’accéder directement à un infirmier ou un kinésithérapeute, sans passer par le médecin généraliste.

Toutes ces réformes ont le mérite d’exprimer clairement une réalité : le médecin est un maillon essentiel du système de santé, il n’en est plus le centre. C’est bien ici un progrès car le seul centre légitime du système de santé est le patient. La crise existentielle est à son paroxysme. Le médecin généraliste doit porter les changements du système de santé La grogne est totale parmi les syndicats de médecine générale. En quelques mois, ce sont des années de combat pour la reconnaissance du haut niveau d’expertise de la spécialité qui semblent voler en éclat.

L’orgueil médical est blessé : le médecin devra faire jeu égal avec les autres professionnels. La revendication d’une consultation à 50 euros est le cri légitime et dissimulé d’une profession en pleine crise existentielle qui à travers la rémunération recherche la reconnaissance qu’elle pense avoir perdu. Face à cette crise, deux voies sont possibles. La première consiste à refuser la coopération et à sacraliser injustement la place du médecin au-dessus des autres professionnels de la santé.

Ce combat n’est ni souhaitable ni gagnable. La seconde voie consiste à porter avec enthousiasme un projet pour la santé des Français avec l’ensemble des autres professionnels. Cette deuxième voie est une voie d’humilité et de bienveillance, qualités essentielles pour un médecin. Nous devons tout à la fois souhaiter à nos médecins généralistes qu’ils reçoivent la reconnaissance qu’ils méritent et qu’ils empruntent cette dernière voie. »

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Gaetan Casanova

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Gaetan Casanova est docteur en médecine en spécialisation de santé publique en Ile de France après un début de parcours en anesthésie-réanimation. De 2020 à 2022, il est Président de l’InterSyndicale Nationale des Internes (ISNI). En 2010 il est élu vice-président d’université en charge de la vie étudiante à l’UT1. En 2021 il est élu au Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER) pour la Fédération des Associations Générales Etudiantes (FAGE).

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