Pendant le BlackFriday, fête consumériste importée des Etats-Unis, la classe politique dirigiste s’est mise sur le pied de guerre en tirant de toute part sur les plates-formes de vente en ligne, au nom de la sauvegarde du commerce de proximité.
La première flèche a été décochée par l’ancien ministre du Numérique, Mounir Mahjoubi qui estime qu’Amazon pourrait être responsable de la destruction de 20.000 emplois dans le commerce traditionnel en 2018.
Outre le fait que l’étude présentée soit totalement contestable d’un point de vue statistique (l’estimation des pertes d’emplois dans le commerce physique est faite uniquement par le prisme du chiffre d’affaires réalisé par Amazon), elle occulte de nombreux facteurs dans la crise du commerce de proximité comme l’aménagement du territoire, la fiscalité, le prix, la gamme et la disponibilité des produits proposés ou encore les temps de livraison.
Non seulement les problèmes des petits commerces ne datent pas de l’arrivée d’Amazon en France, mais le réflexe néoluddite du député LREM l’empêche de voir que le géant américain leur permet au contraire de se développer en accédant au marché mondial grâce à sa « marketplace » en ligne.
Eco-redevance
La deuxième flèche a été lancée par la Maire de Paris Anne Hidalgo. Elle plaide pour la création d’une éco-redevance sur les colis livrés à domicile, ainsi qu’une limitation des horaires des livraisons en centre-ville qui serait encadrée par la création d’une police municipale dédiée.
Là encore cette proposition occulte de nombreuses réalités économiques et écologiques. La création d’une taxe sur les colis va fortement pénaliser les petites enseignes qui profitent du e-commerce pour exporter. Ne pouvant absorber le poids de cette taxe, contrairement à Amazon, ils seront obligés de le répercuter sur le prix de vente ce qui amputera fortement leur compétitivité.
L’e-commerce ce n’est pas l’apanage que d’une seule plate-forme : selon le Statista Global Consumer Survey, si 69 % des Français déclarent acheter un produit sur Amazon au moins une fois par an, ils sont aussi 39 % à privilégier Fnac-Darty et 36 % à commander sur Cdiscount. De plus, un camion de livraison acheminant des colis directement aux domiciles des clients présente l’avantage de diminuer l’utilisation de la voiture de ces consommateurs et d’économiser autant d’émissions de CO2.
Opération paternaliste
La troisième flèche a été tirée par des députés ayant tout simplement décidé d’interdire le « Black Friday ». Une nouvelle opération paternaliste qui ambitionne d’encadrer la consommation des citoyens. Une injonction totalement contradictoire avec les mesures développées en faveur de la demande. L’Etat a ainsi distribué 17 milliards d’euros de pouvoir d’achat pour calmer la grogne des « gilets jaunes », mais défini comment les ménages doivent le dépenser.
L’interdiction du Black Friday c’est donc en quelque sorte le retour aux tickets de rationnement. Alors que les prévisions indiquent que ce seront près de 6 milliards d’euros qui seront dépensés par les ménages ce jour-là – soit une hausse de 4 % par rapport à l’année précédente – rappelons à toutes fins utiles, que la consommation est responsable selon l’Insee, de près de 56 % de la croissance de notre PIB.
Cet amendement à la loi économie circulaire fait une autre erreur importante, celle qui consisterait à croire que l’e-commerce épouserait les frontières des Etats. Condamner la pratique du Black Friday à deux ans de prison et 300.000 euros d’amende pénalisera là encore les petits commerçants qui surfent sur cette mode consumériste pour écouler leurs stocks et augmenter leur chiffre d’affaires, sans impacter Amazon qui pourra toujours réaliser des promotions attractives sur sa propre plateforme.
Valoriser l’économie circulaire
Cette volée de flèches décochées par nos élus vise l’e-commerce par sa plate-forme emblématique, sa livraison et sa célébration. Or ils ratent complètement leur cible. Vouloir lutter contre la surconsommation est essentiel d’un point de vue écologique. Mais en voulant interdire et stigmatiser les nouvelles pratiques commerciales, ils s’attaquent aux commerces de proximité et renforcent de facto les grands acteurs du numérique.
Plutôt qu’un Etat qui interdit et qui stigmatise, souhaitons un Etat qui incite et qui valorise les actions d’économies circulaires et d’écoconception qui permettent une consommation durable et responsable de proximité, en laissant aux ménages leur liberté de consommer. Car pour changer de monde, une Carte Bleue sera toujours plus efficace qu’une carte d’électeur.