Il y a quelques jours, la presse révélait que la banque d’affaires JP Morgan a acquis un bien en plein centre de Paris, pour y loger bientôt près de 300 salariés. Selon Paris Europlace, près de 4.000 emplois auraient ainsi été rapatriés au bénéfice de la France. Alors que le Brexit n’est pas encore réalisé, et bien que certains misent sur la transformation de la capitale britannique en paradis des affaires défiscalisé dans les années à venir, le flou qui entoure l’avenir de la Perfide Albion conduit de grands opérateurs à s’interroger sur leur localisation outre-Manche.
Dans ce contexte, la Ville Lumière a évidemment une formidable carte à jouer, par la qualité de ses institutions, de son capital humain, de sa situation au coeur géographique et politique de l’Europe. Pour autant, l’incertitude est un facteur défavorable à l’attractivité, pour Paris comme pour Londres.
Contrôler plus et sanctionner davantage
En la matière la France ne jouit pas que d’atouts. Son contexte politique, d’abord, est fait de soubresauts éruptifs qui, vus de l’étranger particulièrement, peuvent inquiéter. Son inconstance fiscale, ensuite, n’est pas de nature à séduire les investisseurs – son réflexe compulsif en faveur de la réglementation tous azimuts, non plus, au demeurant. Enfin, le contexte de sa régulation économique et financière n’est pas nécessairement de nature à les attirer.
Car des différentes autorités de régulation, il ressort récemment une volonté affirmée de contrôler plus et sanctionner davantage. L’Arcep s’est fait le chevalier blanc d’une supervision offensive des marchés des télécoms. L’Autorité de la concurrence, plus discrètement, pousse pour accroître son pouvoir d’intervention sur les marchés, et rend incertaines pour les acteurs économiques des opérations de fusions et acquisitions. L’AMF, enfin, a rendu récemment des décisions qui ont marqué par l’ampleur de leurs amendes et leur sévérité. Deux d’entre elles ont, en particulier, fait couler beaucoup d’encre.
Début 2020, l’AMF a sanctionné Bloomberg qui avait diffusé, par erreur, une fausse information sur Vinci – qu’elle avait immédiatement corrigée (après 10 minutes) – par une amende considérable de 5 millions d’euros. La décision soulève de nombreuses questions sur la sanction des fake news en matière financière et sur le champ de liberté et de responsabilité de la presse. L’agence de presse financière a ainsi regretté que « l’AMF n’ait pas identifié et réprimé les auteurs de ce ‘hoax’ et qu’elle ait choisi de sanctionner un média ».
Quelques mois plus tôt, l’AMF avait également infligé une amende magistrale à Morgan Stanley, à qui elle reproche d’avoir manipulé le prix de la dette des Etats belges et français en 2015. La banque, qui a décidé de faire appel, nie et plaide la bonne foi. Mais ce qui frappe le plus, c’est le montant de l’amende : 20 millions d’euros. C’est un record dans le secteur : Au total, l’activisme du régulateur financier l’a ainsi conduit à battre tous ses records, prononçant des sanctions pour un total de 32 millions d’euros en 2019, contre 7,2 millions en 2018.
Discours anti-finance
Le tout s’inscrit dans le contexte de prolifération d’un discours à nouveau hostile à la finance, comme l’ont montré les polémiques sur le rôle fantasmé de BlackRock dans la réforme des retraites ! Et comme le montre aussi la diffusion de propositions résolument hostiles à l’activisme actionnarial, alors même que celui-ci est, de l’avis des académiques qui s’y sont intéressés, positif à court et long termes. Le législateur a cependant décidé de s’en saisir et réfléchit, depuis des mois, à créer de nouvelles contraintes réglementaires.
Ce serait un signe de défiance vis-à-vis des marchés, probablement malvenu : dans un contexte de concurrence internationale extraordinairement vive et de mobilité du capital (financier et humain dans ce secteur) formidablement dynamique, la constance et la prévisibilité du droit sont des atouts à ne pas fragiliser… D’autant qu’outre-Manche, maintenant que le spectre de Corbyn est écarté, il y a fort à parier que Boris Johnson, proche des milieux d’affaires, saura vite retrouver les accents thatchériens qui furent les siens pour dynamiser la compétitivité de la capitale britannique.