Quelle opinion des Français sur l’état actuel de la recherche et des chercheurs en France ?

Baromètre « Science et société » Ipsos pour L’Institut Sapiens 

Résultats d’une étude menée par Ipsos auprès d’un échantillon de 1000 personnes représentatif de la population française de 18 ans et plus en France métropolitaine, interrogés en ligne du 27 septembre au 3 octobre 2024

Ipsos et l’Institut Sapiens présentent aujourd’hui les résultats de la troisième édition du Baromètre « Science et Société ». Lancé en octobre 2020, ce baromètre a pour objectif de mesurer l’opinion des Français sur la science, les innovations et la communauté scientifique.

Selon Olivier Babeau, président de l’Institut Sapiens, « cette nouvelle mouture de notre baromètre, confirme le lent mais sûr recul de la confiance que nous avons en la science. Il doit nous faire réfléchir sur les moyens de replacer les faits et la rationalité au cœur de nos débats » .

Ce qu’il faut retenir : chiffres et idées clés

Les Français expriment de très forts espoirs dans la recherche scientifique pour trouver des solutions aux problèmes actuels et futurs

  • Cet espoir dans la science s’exprime dans le sentiment partagé par une majorité de Français (69%) que la science constitue la principale réponse aux grands enjeux contemporains
  • Au-delà de leur confiance dans la science, les Français ont confiance dans les chercheurs, et notamment dans les chercheurs du secteur public (75%), mais aussi, dans une moindre mesure, dans ceux du privé (69%) pour trouver des solutions aux problèmes de notre époque.
  • Les Français voient d’un bon œil le développement des innovations technologiques, et ce même si certaines innovations peuvent présenter des risques. Les Français continuent de souhaiter dans leur grande majorité (74%) à ce qu’on les développe pour leurs effets bénéfiques.
  • Ce regain d’espoir dans la science est aussi illustré par la baisse de la part de Français souhaitant que soient arrêtés les travaux de recherche dans un certain nombre de domaine sensibles. C’est par exemple le cas pour la recherche dans la génétique dans le domaine des plantes (23%, -5 points en 2 ans), dans le nucléaire (23%, -4 points) ou encore dans les produits phytosanitaires (20%, -5 points). Seule exception, un nombre croissant de Français souhaite un arrêt de la recherche dans les énergies fossiles (43% souhaitent arrêter les recherches, +5 points).
  • Les Français restent partagés sur la capacité de la science et des innovations technologiques à améliorer la qualité de notre environnement et de notre santé (55%) mais cette proportion est en forte progression depuis 2020 (+9 points).

 

Les Français sont cependant partagés sur les dérives possibles de la science

  • La moitié des Français estime qu’aujourd’hui, on ne peut pas avoir confiance dans la science et la technologie pour ne pas introduire dans la société des innovations qui entraîneront des conséquences graves pour l’humanité dans le futur.
  • Autre constat problématique : pour 70% des Français, nous devenons trop dépendants des avancées de la science et de la technologie.
  • En outre, la vitesse de ces changements dans la société peut inquiéter : 53% ont le sentiment que la science et la technologie génèrent des changements trop rapides dans leurs vie quotidienne.

 

Les Français oscillent entre surestimation de leurs connaissances et confession de leur ignorance

  • Les Français se montrent sévères sur la culture scientifique de leurs concitoyens : seulement 34% des Français jugent que leurs concitoyens ont un niveau élevé de culture scientifique et 37% que les progrès et avancées scientifiques sont compréhensibles par le grand public.
  • Les Français restent partagés sur leur propre compréhension des enjeux scientifiques. 50% déclarent ainsi bien comprendre les résultats des travaux des scientifiques, une proportion en baisse de 5 points par rapport à 2022. De même, 49% estiment bien comprendre les applications potentielles des grandes découvertes scientifiques (-5 points).
  • De plus, les Français reconnaissent explicitement qu’il est de plus en plus difficile de distinguer les vraies informations scientifiques des fausses (78%), à cause de la multiplication des sources d’information.
  • Dans ce contexte, une partie des Français adhèrent à certaines fakes news, ou reconnaissent leur méconnaissance sur le sujet. Ainsi, 57% des Français estiment que les effets toxiques des OGM dans l’alimentation ont été clairement démontrés tandis que 44% pensent que les effets secondaires des vaccins contre le Covid ont été très importants et cachés au grand public
  • En parallèle de ces croyances dans certaines fake news, les Français tendent à remettre en cause la légitimité des scientifiques.

 

Cette méconnaissance des sujets scientifiques s’accompagne d’une perte de légitimité des scientifiques

  • L’indépendance des scientifiques français face à certains acteurs est remise en cause : 44% des Français seulement leur font confiance pour être indépendants du gouvernement, 40% pour l’être vis-à-vis des entreprises privées (6 points de moins qu’en 2022).
  • De surcroit, plus d’1 Français sur 2 estime que quand les scientifiques ne sont pas d’accord entre eux, c’est souvent parce qu’ils défendent des intérêts privés : 53%).
  • Quant aux résultats des recherches, 49% seulement des Français pensent qu’en France, on peut faire confiance aux scientifiques pour dire la vérité si jamais certaines de leurs recherches pouvaient entraîner des répercussions sur la santé des individus.
  • Globalement, les Français émettent des doutes sur la confiance qu’ils accordent aux scientifiques pour être transparents sur les résultats de leurs recherches dans de nombreux domaines. Cette confiance est en baisse dans la plupart des domaines comme les vaccins (55%, -8 points) ou les biotechnologies (43%, -7 points).

 

Les Français nourrissent des soupçons forts à l’égard de la recherche privée

  • 77% des Français pensent que si le secteur privé participe beaucoup plus qu’aujourd’hui au financement de la recherche, les scientifiques risquent d’être soumis à des pressions allant à l’encontre de l’intérêt général. Pour autant, les Français ont massivement le sentiment que le secteur privé est indispensable pour financer la recherche et pour l’aider efficacement (79%).
  • Les Français ont de plus le sentiment qu’on peut faire davantage confiance aux scientifiques travaillant pour des organismes publics ou l’Etat pour être transparents sur leurs travaux de recherche (63%) qu’aux scientifiques travaillant pour des organismes privés (48%).

 

Face à cette perte de légitimité des scientifiques, une forte légitimation de soi et de ses proches

  • Un certain nombre de Français semblent compenser cette perte de légitimité des chercheurs par une légitimation d’eux-mêmes et de leurs proches pour se faire un avis sur des sujets scientifiques : Les associations de patients (72%) et les proches (71%) sont les acteurs en lesquels les Français ont le plus confiance pour les renseigner sur les enjeux scientifiques complexes. Des scores bien supérieurs à ceux des médias (31%, -13 points en deux an) et du Gouvernement (28%, -10 points).
  • Enfin, on mesure l’importance du jugement personnel : la moitié des Français (51%) pensent que ce n’est pas parce qu’un scientifique spécialisé sur un sujet leur démontre un fait que c’est vrai et que cela vaut plus que leur jugement personnel). 42% vont même jusqu’à estimer que pour savoir si un fait est vrai ou faux scientifiquement, ils font plus confiance à leur expérience personnelle qu’aux explications des scientifiques.

 

Les scientifiques ont un rôle à jouer dans la prise de décision, mais celle-ci doit demeurer l’apanage des élus

  • Malgré la forte défiance qu’ils entretiennent à l’égard des élus, les Français souhaitent éviter un gouvernement scientifique et souhaitent en majorité que les élus prennent les décisions, à condition d’être éclairés par les experts.