Les entreprises du recyclage face au défi de la crise sanitaire – Interview de Jean-Luc Petithuguenin, président de FEDEREC

Régulièrement pendant le confinement, l’Institut Sapiens donne la parole aux entreprises aux associations et aux industries dont l’action permet de continuer à faire tourner notre économie. Retrouvez l’interview de Jean-Luc Petithuguenin, président de FEDEREC (Fédération Professionnelle des Entreprises du Recyclage).

 

Après des mois très intenses portés par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire, le secteur du recyclage doit maintenant faire face à la crise sanitaire. Comment se porte le secteur ?

Dès le premier jour du confinement, notre secteur a pris la mesure du caractère essentiel de son activité. Nos entreprises sont des maillons indispensables à la continuité de la vie de la nation. D’une part, pour collecter les déchets produits par les ménages, les commerces, les entreprises afin de maintenir le pays en état de salubrité et ne pas ajouter une crise à la crise ; d’autre part, pour approvisionner en matières premières issues du recyclage les secteurs essentiels comme l’industrie agroalimentaire ou pharmaceutique.

Rapidement, le Gouvernement a reconnu ce caractère essentiel à travers différentes communications. Les chefs d’entreprise et les salariés de notre filière sont fiers de leur participation à la gestion de la crise, ils font partie des personnes en France qui montent au front tous les jours et qui se mobilisent afin de garantir une continuité de service optimal.

En invitant nos entreprises à continuer leur activité tant que cela était possible, notre première préoccupation a alors été de protéger au maximum les employés. Les mesures préconisées par le Gouvernement ont été appliquées par les professionnels que nous représentons. La santé et la sécurité des femmes et des hommes sont nos priorités.

De la mise en pratique des gestes barrières adaptée à notre activité, à l’approvisionnement en masques FFP2 pour les postes qui le nécessitent en temps normal, notre filière s’est organisée et a fait preuve de solidarité pour que personne ne soit lésé. Le dialogue avec les pouvoirs publics sur ces sujets a été régulier et constructif.

D’un point de vue économique, la crise sanitaire que nous vivons place les entreprises face à des difficultés inédites. Le secteur du recyclage n’est pas épargné, l’année sera particulièrement difficile. Si l’activité de collecte des déchets des ménages se maintient, d’autres sont directement menacées. C’est l’effet d’une réaction en chaîne, dans une boucle d’économie circulaire qui s’interrompt du fait du ralentissement ou de l’arrêt de certaines industries. L’activité de recyclage est dépendante de son approvisionnement et des débouchés de ses matières premières issues du recyclage.

Concrètement, après une enquête auprès des adhérents de FEDEREC menée fin mars et en cours d’actualisation, l’activité de recyclage des métaux a chuté de 80%, celle du papier-carton et du plastique enregistre une baisse de 30%. Plus généralement, nos entreprises ont perdu en moyenne 50% de leur chiffre d’affaires pour le mois de mars et prévoient une baisse de 65% pour le mois d’avril.

 

Cette pandémie changerait les habitudes de consommation des citoyens dont dépendent les industries du recyclage. Quelles sont les inquiétudes actuelles et à venir ? 

Notre inquiétude première aujourd’hui est de maintenir un tissu fort d’entreprises sur notre territoire, aucune entreprise de recyclage ne doit disparaître du fait de cette crise. Ainsi, nous serons attentifs aux délais de paiement, à l’accès effectif aux dispositifs de soutiens économiques, fiscaux ou bancaires qui ont été singulièrement déployés par le Gouvernement. La diversité et multiplicité de nos entreprises sont notre richesse, nous travaillons sur une sortie de crise qui puisse en garantir la pérennité.

Notre secteur peut craindre que certains soient tentés par un retour en arrière, c’est-à-dire une consommation plus importante de matières premières d’origine fossile surtout lorsque les prix s’écroulent comme c’est le cas pour le pétrole. Mais je ne crois pas que ce sera le cas.

Pour l’avenir, je suis convaincu que notre société de demain sera une société plus responsable, plus solidaire. La crise transforme en profondeur nos comportements et nos modes de pensée. Nous avons découvert que la santé est plus importante que la consommation.

Notre production sera, je l’espère, plus respectueuse de l’environnement. Les citoyens attendent cette transition écologique et notre industrie s’inscrit totalement dans cette dynamique.

Incorporer des matières premières issues du recyclage dans le processus industriel de fabrication et garantir la recyclabilité réelle du produit mis en marché sont résolument les gages d’une production plus responsable.

Notre industrie est solidement ancrée dans l’avenir.

D’ailleurs, avec cette crise, le regard des Français a évolué sur le travail de nos employés et je m’en réjouis. Nos employés sont applaudis, consacrés par des dessins d’enfants qui les remercient quotidiennement, explicitement cités dans les discours du Président de la République. Ils ont été très touchés de ces manifestations de reconnaissance que leur témoigne, chaque jour, les Français.

 

L’UE a braqué les projecteurs sur les recycleurs en tant que « professionnels stratégiques ». Que cela signifie-t-il ? et quelles opportunités s’offrent à ce secteur sur un moyen et long terme ? 

Si la France et l’Europe tirent les leçons de cette crise sanitaire, l’histoire ne pourra pas s’écrire sans l’industrie du recyclage. Nous l’avons vu, notre capacité à protéger nos citoyens est intimement liée à notre souveraineté économique. Nous devons regagner cette puissance en relocalisant des activités industrielles mais pas à n’importe quel coût environnemental. C’est une opportunité unique d’une réindustrialisation verte de l’économie en s’appuyant sur les matières premières issues du recyclage.

Demain, nous aurons besoin de l’industrie du recyclage pour tenir ce pari. Il est plus que jamais temps de développer notre secteur et ainsi optimiser l’utilisation de la mine urbaine dont nous disposons. Nos entreprises sont prêtes à relever le défi si tant est que les conditions de sortie de crise et de relance économique leur permettent.

AUTEUR DE LA PUBLICATION

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