L’épidémie due au Covid 19 et les conséquences qui en découlent ont sensibilisé les Français à une pratique qui leur était jusque-là presque inconnue : la télémédecine. Permise par la révolution digitale, elle s’appuie sur les nouvelles technologies pour mettre en lien, à distance, patients et professionnels de santé.
Elle permet notamment :
- d’établir un diagnostic
- d’assurer, pour un patient à risque, un suivi dans le cadre de la prévention ou un suivi post thérapeutique
- de requérir un avis spécialisé
- de préparer une décision thérapeutique
- de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes
- d’effectuer une surveillance de l’état des patients.
Les six actes de télémédecine, définis par le décret d’application de la loi HPST de 2009 sont : la téléconsultation, la télé-expertise, la télésurveillance, la téléassistance et la régulation médicale, auquel il faut ajouter le télé-soin, inscrit dans la loi de santé d’août 2019, restant à préciser par décret.[1]
Pour cette note, nous nous intéresserons particulièrement à la téléconsultation, une pratique permettant à un patient de consulter à distance un médecin à distance, grâce aux outils de télécommunication. Dans le cadre d’une téléconsultation, le patient peut avoir à ses côtés un professionnel de santé assistant le professionnel à distance ainsi qu’un psychologue[2] pour assister le patient.
Depuis le 15 septembre 2018, la téléconsultation est éligible au même remboursement qu’une consultation en face à face, c’est-à-dire entre 23€ et 58,50€ selon la spécialité et le secteur d’exercice du médecin (secteur 1 ou secteur 2)[3]. La condition ouvrant droit à ce remboursement est l’utilisation de la visioconférence, le respect du parcours de soins coordonné (téléconsultation effectuée ou patient orienté en téléconsultation – par exemple avec un spécialiste – par son médecin traitant) et à défaut d’existence ou de disponibilité du médecin traitant, que le patient soit connu du médecin téléconsultant et qu’il ait consulté son médecin traitant en présentiel dans les 12 mois précédents la consultation virtuelle.
Du côté des complémentaires santé, les conditions de prise en charge sont plus souples. La plupart ont noué des partenariats directs avec des plateformes de téléconsultation (avec ou sans visio) ; ce service est ainsi compris dans la cotisation et il est accessible au patient-assuré, sans coût supplémentaire.
Les conditions de remboursements de la CNAM sont bloquantes, et elles empêchent le dispositif de se développer pleinement. C’est encore plus vrai dans le cas où la consultation à distance concerne un rendez-vous avec un médecin hors du parcours de soin et que le patient n’aurait pas eu à loisir de rencontrer dans les 12 mois précédents (en dehors des spécialités d’accès direct : gynécologie, ophtalmologie, stomatologie, chirurgie orale ou chirurgie maxillo-faciale, psychiatrie ou neuropsychiatrie et pédiatrie). De plus, il est évident que bien souvent, les zones sous-denses médicalement sont aussi des zones blanches en termes de liaisons internet.
D’ailleurs, cette disposition a été vite assouplie par le Ministère de la Santé en réponse à la crise du Coronavirus[4] : jusqu’à la fin du mois d’avril, les patients suspectant d’être affectés par le Covid 19 pourront obtenir une téléconsultation remboursée par la Sécurité sociale sans les restrictions liées au respect du parcours de soins et à la consultation dans les 12 mois (la visioconférence demeurant en principe, mais pouvant être remplacée par un simple appel téléphone pour les patients ne pouvant utiliser ces technologies) et mieux, depuis le 18 mars dernier, les téléconsultations pour ce motif sont pris en charge à 100% par la Sécurité sociale .
Il est à gager que cette disposition temporaire, aura pour effet de libérer un peu plus cette pratique qui, malgré ses nombreux avantages, n’était pas encore adoptée massivement par les patients et par les médecins français. Les chiffres vont d’ailleurs dans ce sens, selon le directeur général de la Santé[5], la téléconsultation représente maintenant 10% des consultations médicales, contre 1% dans une période dite normale. Durant le confinement, il y a ainsi eu plus d’un million d’actes de téléconsultation réalisés par semaine[6].
Au titre de l’année 2019, nous observions une sous-utilisation très inquiétante : seulement 84.000 téléconsultations avaient été remboursées fin octobre 2019, alors que l’objectif était fixé à 500.000 pour l’année 2019. Un sondage du 28 novembre 2019 réalisé par Odoxa pour l’Agence du numérique en santé[7], nous enseigne que l’image de la télémédecine n’était positive que pour 63 % des Français. Dans le même temps, nous apprenons que 66% des médecins et 94% des Français n’avaient jamais réalisé une téléconsultation. Il s’agit donc d’une pratique qui peut devenir très utile pour les patients comme pour les professionnels de santé, à condition que l’on puisse éliminer les obstacles bloquants.
[1] Loi HPST de 2009 (art. L.6316-1 du Code de la Santé Publique et le décret d’application n°2010-1229 du 19/10/2010
[2] Arrêté du 1er août 2018 (suite à l’avenant 6 de la convention, modifiant les décrets du 19/10/2010
[3] Source : CNAM
[4] Décret n° 2020-227 du 9 mars 2020 adaptant les conditions du bénéfice des prestations en espèces d’assurance maladie et de prise en charge des actes de télémédecine pour les personnes exposées au covid-19
[5] Déclaration publique de Jérôme Salomon en date du 2 avril 2020
[6] Conférence de presse d’Olivier Véran en date du 7 mai 2020
[7] L’institut Odoxa a mené un sondage* auprès de 3 012 personnes et 522 professionnels de santé dont 254 médecins, entre le 13 et le 28 novembre 2019, pour l’Agence du numérique en santé (ancien ASIP)