Les concessions autoroutières : au cœur des contradictions françaises

Qui ne possède pas un avis sur les autoroutes ? Et qui n’a pas déjà entendu le même individu reconnaître à la fois la qualité de ces infrastructures et l’amélioration constante de leurs services, tout en pestant pêle-mêle contre les péages (forcément trop chers), les augmentations annuelles (forcément trop importantes), les concessionnaires (forcément trop bien lotis) ?

En France, on aime les autoroutes ; on aime moins les sociétés qui les gèrent – une schizophrénie assez représentative du rapport des Français au capitalisme. Quinze ans après la décision du gouvernement de « privatiser les autoroutes », la question du réseau concédé reste passionnelle. Le débat sur les autoroutes ne s’est jamais éteint et il est régulièrement ranimé par l’actualité. Les barrières de péage ont été un haut lieu de mobilisation des « gilets jaunes ».

Dans la discussion de la loi PACTE, le précédent des autoroutes a servi de repoussoir commode aux partisans de la privatisation (« nous avons retenu la leçon de la privatisation des autoroutes ») comme à ses contempteurs (« vous reproduisez l’erreur des autoroutes »). Quant à la décision récente de l’Espagne de ne pas renouveler certaines concessions parvenues à leur échéance, elle a redonné de l’énergie à ceux qui souhaitent un retour de la gestion des autoroutes dans la sphère publique ou la fin des péages. En vérité, le sujet des autoroutes est aussi passionnel que la réalité des concessions est mal connue. On dénonce les profits des concessionnaires, mais qui connaît la part des péages qui revient à l’État ? On dénonce des contrats désavantageux pour la puissance publique, mais qui connaît le détail des cahiers des charges ?

Dans sa prose pudique, l’Autorité de régulation des transports résume ainsi la situation : « Le secteur des autoroutes concédées, et partant, les choix des pouvoirs publics relatifs à ces infrastructures, font, depuis toujours, l’objet de nombreux débats et controverses dont les arguments peuvent parfois, faute d’un niveau d’information suffisant, manquer de rationalité. »

Disons-le encore plus nettement : le débat sur les concessions est victime de la faible connaissance du sujet, elle-même symptôme parmi d’autres de la faible culture économique et financière des Français. Une faiblesse qui ne concerne pas que le citoyen lambda : élus et journalistes sont souvent pris en flagrant délit d’inexactitude, sur le sujet des autoroutes. Même des institutions vénérables sont susceptibles de certains errements : les analyses publiées en 2014 par l’Autorité de la concurrence en sont le meilleur exemple. Il est d’ailleurs regrettable pour la qualité du débat collectif – que des données erronées continuent ainsi à alimenter – que ces analyses n’aient pas fait l’objet d’un mea culpa officiel.

Le système des concessions mérite un examen basé sur des données claires. Pourquoi ? Parce que les autoroutes sont au carrefour de sujets vitaux pour notre pays. Les autoroutes ne sont pas de « simples infrastructures ». Elles sont au cœur du développement et de la vitalité des territoires. Elles évoluent et doivent continuer à évoluer avec le développement de nouvelles technologies, qui vont-elles-mêmes révolutionner nos usages. Sans compter que des choix rapides s’imposent sur nos politiques de transport si nous entendons respecter nos engagements en matière de réduction des émissions carbone. Mobilité, territoires, nouvelles technologies, développement durable : ce sont aussi autant de préoccupations fortes de notre Institut, qui nous ont conduit à nous saisir de ce sujet brûlant.

Sauf prolongation nouvelle, les concessions dites « historiques » prendront fin entre 2031 et 2036. Dans le temps long des infrastructures, c’est demain. Dans ce contexte, il est nécessaire de mieux connaître la réalité des concessions autoroutières pour nous décider de manière éclairée, le temps venu, sur le modèle que la France souhaite adopter.

 

AUTEUR DE LA PUBLICATION

Olivier Babeau

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Président fondateur de l'Institut Sapiens. Professeur à l'Université de Bordeaux, chroniqueur et essayiste, il a cofondé en décembre 2017 la 1ère Think Tech française.

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