La secousse tellurique de l’affaire Weinstein devrait aller bien au-delà du seul problème des harcèlements. Il s’agit d’une formidable opportunité de remettre la notion de consentement individuel au cœur de notre société.
Le consentement est la clé de voûte de l’ordre libéral. Il assure que l’individu n’est jamais considéré comme un objet mais toujours comme un sujet capable de volonté propre auquel rien ne doit être imposé. Or ce principe est aujourd’hui menacé dans ses trois dimensions fondamentales : sociale, politique et économique.
Le problème du consentement des femmes à la séduction est la partie émergée d’un iceberg : le recul de ce que l’on appelait autrefois les civilités, autrement dit les façons standardisées dont se développent les rapports sociaux.
Le débat passionné sur les limites à ne pas dépasser en matière de drague traduit l’effacement progressif des rituels qui codifiaient naguère les rapports entre les sexes. Dépourvus de l’heureuse protection des bonnes manières, à tort assimilées à des lubies désuètes, les rapports interpersonnels deviennent des confrontations directes où toute friction, faute de pouvoir être amortie, provoque le conflit.
Comment ne pas comprendre ainsi la terrifiante violence de ces jeunes qui agressent pour un regard et caillassent ceux qui viennent leur porter secours ? Le chaos des banlieues est aussi lié à l’affaiblissement du consentement à l’autorité. Ce dernier fonde pourtant la légitimité des pouvoirs publics et de l’ordre imposé par ses représentants. Si l’Etat doit évidemment laisser libre cours à toutes les pratiques légales de protestations et d’expressions des désaccords, il ne peut sans s’affaiblir laisser se multiplier les ordres parallèles, comme à Notre-Dame-des-Landes ou dans nos pudiquement nommées « cités ».
Il ne peut pas y avoir d’autorité acceptable si elle ne s’applique pas de façon uniforme. Paradoxalement, le recul de l’ordre républicain dans maints endroits est corrélé à la progression de l’hyper-surveillance.
Restaurer (ou préserver) le consentement à la captation de nos données est le grand enjeu de ce début de siècle. Il importe que nous restions décisionnaires des informations que recueillent l’Etat ou les entreprises sur nous. L’argument de la sécurité ne doit pas servir de justification à une progression ininterrompue du contrôle de nos faits et gestes. Leur captation constitue une forme de violence qui doit être maîtrisée.
Le consentement à l’impôt, condition même du droit de propriété et donc de l’activité économique, est le dernier pilier gravement menacé de notre société. En s’arrogant le droit de prélever le bien des citoyens à volonté, sans limites ni justifications autres que les besoins infinis causés par son incurie, l’Etat démocratique renoue avec l’arbitraire royal. La violence de la spoliation n’a rien à envier à celle des matraques policières. L’extrême complication et l’instabilité du système fiscal sont les marques les plus évidentes de cet arbitraire.
Dans le domaine de la fiscalité des entreprises et des ménages, l’administration doit passer d’une logique d’exploitation (la base taxable si convoitée) à une logique de service.
Célébrons donc, à juste titre, le consentement. Que l’utile rappel de l’importance qu’il a pour les femmes soit l’occasion de réinscrire sur nos frontons ce principe essentiel de résistance à toutes les formes d’oppressions individuelles ou collectives.