Où placer l’éthique dans la politique commerciale de la France ?

Deux positions antagonistes se font face concernant le commerce à l’étranger des entreprises françaises. D’une part, celle de la fermeture à tout pays qui ne pratiquerait pas exactement nos standards éthiques, au nom de notre idéal de respect des droits humains et du refus d’encourager un régime qui ne serait pas démocratique.

Celle, d’autre part, à l’autre extrême, pour qui se soucier des conditions de vie dans les pays avec qui l’on traite serait une pure ingérence et une confusion des genres. Comment sortir de ce dilemme ? Il faudrait avoir le choix entre faire des profits au détriment de la morale ou brider son développement économique pour rester juste.

Deux conceptions

Quelle doit être la doctrine de la France vis-à-vis du commerce international ? Est-ce que, au nom de la croissance de nos entreprises, il faudrait encourager tout gain de part de marché et bénir tout investissement étranger, en fermant les yeux sur les conditions sociales et politiques du pays ? Est-ce que, au contraire, il faudrait barrer la route sans discussion à tous les pays où l’Etat de droit n’est pas pleinement établi ?

En pratique, la France oscille entre les deux conceptions. Parfois prompte à fermer les yeux sur les pratiques de ses pays partenaires, une part d’elle-même s’indigne régulièrement du peu d’attention porté aux conditions éthiques de nos échanges. Or il est possible de justifier le commerce international s’il est à la fois un vecteur efficace d’émancipation politique, un levier de progrès économique pour les populations et un échange profitable pour la France.

Le cas iranien

Parmi les nombreux pays avec lesquels la France échange, l’Iran constitue un bon cas d’école. Après avoir dû renoncer pendant longtemps à nos relations commerciales du fait des sanctions internationales ayant succédé à la révolution de 1979, nous avons récemment  renoué des liens avec ce pays.

Pourtant, la réalité du régime reste celle d’une mainmise totale des mollahs sur le pays et une économie en déliquescence. La loi islamique prédomine dans toutes les dimensions de la vie : politique, publique et privée. Aucune réforme profonde ne peut être entreprise par un président dont le poids politique demeure subalterne face au numéro un effectif du régime, le guide suprême Ali Khamenei. La corruption gangrène le pays. Une quinzaine de banques sont en faillite. Les rivalités entre les factions au pouvoir conduisent à orienter les flux majeurs de richesses de la société vers les gouvernants.

 

A l’heure où la république islamique s’enfonce dans une des crises sociales les plus graves de son histoire, et qui laisse espérer l’imminence d’un « printemps perse », le risque d’investir dans cette économie, au système bancaire particulièrement fragile et dont les institutions corrompues sont remises en question, est immense pour les entreprises françaises.

Faire preuve de cohérence

L’ouverture commerciale apparente de l’Iran est plus un moyen utilisé pour chercher à capter quelques ressources dans un contexte d’extrême déliquescence qu’un signal de volonté réelle d’évolution. Il s’agit bien pour le régime de se conforter, et non d’entamer un quelconque aggiornamento.

L’argent injecté via le commerce dans le système économique ne permet pas le développement de bonnes conditions matérielles de vie et sert à renforcer le pouvoir en place, soutenant ainsi indirectement leurs exactions. Il faut se rendre à l’évidence : ni la logique économique, ni celle de l’éthique, ni enfin celle de la politique ne permettent de légitimer des échanges commerciaux entre la France et l’Iran.

Donnons une cohérence à nos rapports commerciaux internationaux parfois honteux. On cesserait cette politique étrange qui consiste par exemple à  bloquer certaines relations commerciales avec la Russie au nom de l’éthique, tout en encourageant celles que nous essayons de développer en Iran.

 

AUTEUR DE LA PUBLICATION

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