Il aura fallu une petite vingtaine d’années à la Chine pour investir le continent africain. Par un investissement massif sur les infrastructures, la Chine est devenue le premier partenaire économique de ce continent. Il faut dire que les partenaires historiques (Angleterre, France et Belgique) n’avaient pas les mêmes moyens de négociation. En décryptage et sans langue de bois, osons dire que les Africains raffolent des bakchichs, que les Chinois sont spécialistes en la matière alors même que les pays européens, contraints par une surveillance plus précise de leurs institutions, n’ont plus aligné les mallettes de billets. Une compétition inévitablement perdue par l’Europe.
Le commerce sino-africain a été multiplié par vingt en vingt ans. Plus de 10.000 entreprises chinoises se sont implantées sur le continent pour un chiffre d’affaires de 180 mds $, avec une croissance des échanges de 20% par an, et une répartition d’implantation de 1/3 dans la production, 1/4 dans les services et 1/5 dans le commerce, la construction et l’immobilier. Dans les infrastructures, c’est près de 50% des investissements du marché de la construction, sur l’ensemble du continent (source McKinsey 2017). Et seules 1/3 de ces entreprises sont rentables, démontrant bien une politique d’engagement à long terme de la Chine.
Comme dans tous leurs business, les Chinois gardent la mise : seuls 44% des gestionnaires locaux sont africains, et seulement 47% de l’approvisionnement des sociétés chinoises proviennent de producteurs locaux. Ceci dit, la Chine ne s’est pas arrêtée au « brick & Mortar ». Les réseaux informatiques et les sociétés technologiques se taillent aussi la part du lion. Huawei continue de dominer le marché de la 3G/4G. L’Afrique a sauté l’étape du téléphone filaire pour devenir le deuxième marché de téléphonie mobile au monde, avec 560 millions d’utilisateurs en 2015. En 2018, le Bénin a un taux de pénétration d’internet en hausse de 204% et le Mali de 460% ! Huawei continue sa percée avec 15% de parts de marchés et l’ambition de déployer l’Intelligence Artificielle.
Le projet PEACE (Pakistan East Africa Cable Express), soit la pose d’un câble sous-marin de télécommunication reliant l’Asie et l’Afrique, devrait encore renforcer cette position. En Zambie, en Éthiopie, au Zimbabwe, les gouvernements ont fait appel à des entreprises chinoises pour mettre en place des systèmes de contrôle d’Internet et des réseaux de télécommunication.
Et CloudWalk Technology, l’un des leaders chinois du secteur basé à Canton, a décroché un contrat de coopération avec le gouvernement zimbabwéen pour mettre en place une reconnaissance faciale à grande échelle. Ces technologies largement maitrisées par les Chinois font le bonheur des gouvernements (comprendre « des dictatures ») qui renforcent encore leur contrôle sur la population.
C’est un jeu gagnant-gagnant, imparable. Le président zimbabwéen, Emmerson Mnangagwa a été par exemple très sensible aux dernières démonstrations de « ville numérique » lors de sa dernière visite à Pékin alors qu’en 2017, l’entreprise chinoise Hikvision avait déjà équipé son pays de caméras de surveillance, remportant un marché qui reboucle avec les contractualisations actuelles sur la reconnaissance faciale. Je rappellerais enfin qu’en janvier 2018, « Le Monde Afrique révélait que le siège de l’Union africaine, à Addis-Abeba, avait été massivement espionné par Pékin grâce au transfert à Shanghai de l’intégralité du contenu des serveurs de l’institution. » Afrique… Adieu…