Le vieillissement est la conséquence d’une détérioration de la machinerie cellulaire. Des cascades d’événements pernicieux s’auto-entretiennent, favorisent les pathologies gériatriques et conduisent à notre mort. La psychologue Marie de Hennezel, qui a aidé le président François Mitterrand à accepter sa mort, a défendu une vision très positive du vieillissement. La sagesse est censée nous permettre de vivre notre fin de façon joyeuse. Beaucoup vivent, en réalité, leur vieillesse avec une profonde nostalgie. L’écrivain Michel Tournier remarquait que « la vieillesse, c’est la voie de garage ».
Le démarrage d’Alzheimer prédit par les IA
La philosophie du bien-vieillir fait référence à la mort d’avant l' »épidémie d’Alzheimer » et son long crépuscule cérébral. Ma génération -celle du babyboom- devient la « génération Alzheimer », hantée par la vision d’horreur des « alzheimériums », avec une effroyable alternative: maison de retraite avec quatre changements de couche par jour, ou forfait de luxe avec six…
L’abandon des patients, devenus cadavres ambulants, dans des centres anonymes est une insulte à la dignité humaine. Nous abandonnons nos parents, avant que nos enfants ne fassent de même, comme les paysans japonais du film de Shohei Imamura, La Ballade de Narayama, le faisaient avec leurs géniteurs l’année de leurs 70 ans… A la nuance près que les « maisons pour personnes âgées dépendantes » ont une moins belle vue que le sublime volcan où les vieux Japonais sont délaissés dans le film.
Et, maintenant, nous allons connaître le nombre d’années avant le premier trou de mémoire… Des études ont montré que les intelligences artificielles (IA) pouvaient prédire dix ans à l’avance, avec une excellente précision, le démarrage d’une démence Alzheimer! L’IA repère sur les IRM des signes invisibles aux yeux des meilleurs spécialistes du cerveau. Dépister précocement l’Alzheimer serait formidable… s’il existait un traitement préventif ou curatif.
Mais il n’en existe aucun. Les derniers essais thérapeutiques avec des molécules innovantes et prometteuses ont tous échoué. Découvrir en 2017 que l’on a une forte probabilité de développer une démence dans les dix ans est la quasi-certitude d’assister à sa propre déchéance sans rien pouvoir y faire: il est fort peu probable qu’un traitement anti-Alzheimer soit mis au point avant 2027.
Traiter la maladie avant les dégâts irréversibles
Savoir est parfois douloureux. Le premier homme dont l’ADN ait été séquencé était le Pr James Watson, codécouvreur de la structure de l’ADN en 1953. En 2007, celui-ci a accepté que son ADN soit en accès libre sur Internet, à la condition que le gène ApoE ne soit pas lu! Ses variantes renseignent en effet sur la probabilité de développer la maladie d’Alzheimer, et Watson ne voulait pas sombrer dans la dépression… Même les Prix Nobel ne souhaitent pas connaître leur destin cérébral!
Cela veut-il dire que ces IA capables de prévoir notre Alzheimer sont toujours nocives? Non! Elles peuvent permettre de repérer les sujets à risque pour les intégrer précocement dans des essais cliniques. En effet, l’idée qui prévaut aujourd’hui est que les médicaments ont échoué car ils sont administrés au moment des premiers signes cliniques, lorsque les dégâts cérébraux sont déjà trop importants et irréversibles. Et puis, les Cassandre ont parfois tort: le taux d’Alzheimer baisse fortement dans certains pays occidentaux sans que l’on comprenne pourquoi. L’épidémie de démence pourrait être moins cruelle qu’annoncée!