On le sait, la médecine est l’un des secteurs les plus impactés par l’utilisation des Intelligences Artificielles (I.A.). Remarquons l’emploi du pluriel au passage, qui montre bien que pour l’instant, les algorithmes dits intelligents ne se préoccupent que d’un petit aspect d’un problème dont on leur demande de s’occuper. En revanche, comme il s’agit toujours d’entrer en compétition avec l’homme sur le sujet des grands nombres, l’algorithme d’I.A. ciblé sur sa mission gagne toujours. Et disons-le aux médecins : ce n’est pas grave ! Je rencontre de jeunes docteurs un peu inquiets et même un peu nerveux à l’idée de voir leur métier dévalorisé par les I.A., tant il est vrai que la presse ne les épargne pas. Pourtant, j’envie leur position puisque tout un champ de recherche est en train de s’ouvrir. Il y a pléthore à faire aujourd’hui en matière d’éducation d’I.A., de construction de modèles, d’utilisation de résultats obtenus par la machine. La position du corps médical serait plus productive si elle embrassait le progrès et s’en emparait complètement. Malheureusement, pour ma part, je ne vois pas beaucoup de médecins investis dans ces recherches. La nature a horreur du vide : ils laissent donc à des sociétés ces développements.
Soyons-en sûrs, un des grands buts de la médecine de demain est d’arriver à faire fonctionner un avatar numérique pour chacun. L’idée est que chacun d’entre nous, outre notre dossier médical, possédions un programme informatique représentatif de nos états biologiques et si possible en direct. Ainsi, un capteur connecté pourrait nous dire si nous manquons de sodium, si notre alimentation ou notre hydratation est correcte ou si le fer de nos hématies « aime »-ante toujours autant l’oxygène.
Aucun humain ne pourra jouer le rôle de tour de contrôle des réactions biochimiques de chaque individu sur la planète. C’est un métier totalement inimaginable, il ne faut pas s’en offusquer, mais plutôt trouver fabuleux de vivre cette nouvelle ère de progrès. Très récemment, des chercheurs ont pu montrer l’inadaptation des dosages de molécules en chimiothérapie. On le savait, ces programmes conçus par des humains sont mal adaptés dans 80% des cas. Grâce à une programmation de type « Random Forest » sur différents types de données (résultats d’analyse, notes et ordonnances), l’Intelligence Artificielle a pu prédire un dosage particulièrement efficace, et ceci pour chaque patient, à la carte. Il n’est pas utopique d’imaginer que dans quelques années, notre avatar numérique incorpore un grand nombre d’algorithmes de prédiction de type « dosage ». Et pour tout dire, l’avatar numérique en est déjà au stade de réalisation pour un certain nombre de cas aux Hôpitaux de Paris!
Reste alors la question des capteurs. Au XIXe siècle, Filippo Pacini donnait son nom au capteur de pression présent dans notre peau et qui nous donne la sensation du toucher. Demain, pour faire fonctionner notre avatar, il faudra recueillir l’ensemble des données nécessaires aux I.A. embarquées, un peu comme on nourrit un ogre de données les plus précises et les plus nombreuses possible sur ce qui se passe dans nos cellules. Rappelons qu’en 2014 à Harvard, on a pu prédire l’évolution de la grippe en analysant les consultations de la page Wikipedia de ses symptômes, déterminant par là les intérêts et donc l’infection probable, par population et territoire donné. C’était un captage de masse mais chaque nouvelle I.A. ajoutée (téléchargée dans notre avatar selon paiement ?) demandera sa donnée « perso » (du nombre d’ilots de Langherans jusqu’à qualifier précisément la chimie personnelle de nos cycles de Krebs !?!). C’est là que se pose aujourd’hui un problème, car le « big data » du vivant est stocké par des groupes commerciaux utilisant ces données à des fins économiques, et non pas par le corps médical, trop occupé ailleurs et n’investissant pas assez ce champ de médecine futur qu’est le stockage de données biologiques, humaines, personnelles et non commerciales. La « donnée » est la clé de notre « liberté », encore plus en ce qui concerne notre santé.