Le dernier rapport du GIEC, publié le 8 octobre, nous apprend que le changement climatique serait quasi irréversible, à moins d’un changement profond de modèle. Comme une coïncidence, le même jour, la Banque de Suède a primé Nordhaus et Rohmer pour leurs travaux sur l’importance de l’innovation comme fait générateur de croissance sans dégrader l’environnement.
L’année dernière, le Prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel (nommé plus couramment Prix Nobel d’économie) avait été attribué à Richard Thaller pour ses travaux sur le Nudge, valorisant ainsi les spécificités faisant de nous des humains à l’heure où l’intelligence artificielle connaît une accélération de son expansion. Cette année encore, la volonté du comité Nobel semble être d’envoyer un message politique lourd de sens à l’attention du monde entier : c’est par la science que viendra notre salut environnemental.
Depuis le constat du rapport de Rome dans les années 50, la conscience du réchauffement progresse. En témoignent les échos médiatiques que prennent chaque année l’annonce du jour du dépassement, fixé au 1er août cet année, ou différents rapports d’ONG et de scientifiques nous alertant, sur les changements climatiques à l’œuvre et leurs horizons pessimistes et sombres. Des débats légitimes qui ont fait émerger des solutions problématiques comme celle de la décroissance. Il s’agit là de la solution la plus égoïste possible, émanant exclusivement des habitants des pays développés. La croissance est un objectif à poursuivre car elle permet une meilleure création et redistribution des richesses à travers toutes les couches de la population. C’est notamment ce mécanisme qui a permis de diminuer la part de la population mondiale vivant dans l’extrême pauvreté de diminuer de 35 points en 20 ans.
La croissance n’est pas incompatible avec l’écologie. C’est un constat qui apparaît à travers les travaux de l’économiste Kuznets, dans la modélisation d’une courbe environnementale qui suggère qu’il existe une relation inverse entre la dégradation de l’environnement et le ratio de PIB par habitant. Au début du processus de croissance, la dégradation de l’environnement augmente, puis se stabilise lorsque le revenu par tête se situe à un certain seuil de croissance au-delà duquel elle diminue. La partie décroissante de la courbe reflète une compatibilité entre la croissance et la préservation de l’environnement. Si l’on part du principe que la dégradation environnementale est le fait des sur-émissions lors de nos 3 premières révolutions industrielles, alors nous devons donc accentuer nos efforts de croissance pour atteindre le seuil où notre croissance sera enfin verte. Un seuil que l’on peut atteindre en transformation notre production et nos habitudes de consommation, grâce à la révolution numérique.
Seulement, comment générer une croissance infinie dans un monde où les ressources sont finies ? C’est tout l’enjeu de la théorie de la nouvelle croissance de Romer, primée au Nobel, qui nous apprend que la connaissance et l’innovations seront les solutions à ce problème. Le mécanisme est le suivant : chaque entreprise, en augmentant son stock de capital, apprend simultanément à produire de façon plus efficace, dans le respect de l’environnement. L’augmentation du stock de capital d’une firme conduit donc à un accroissement de son stock de connaissances qui devient alors un bien collectif auquel n’importe quelle entreprise peut avoir accès à un coût nul et que l’on peut utiliser en combinaison avec d’autres facteurs pour produire un bien final.
De son côté, Nordhaus, créateur du modèle DICE (Dynamic integrated climate economy) mesurant l’impact social des émissions en carbone, utilisé comme référence dans le rapport du GIEC, est un des premiers économistes à avoir mis en avant le rôle de l’activité humaine dans le réchauffement climatique. En tant que défenseur de la théorie des choix publics, il complète la vision de Romer en arguant que le marché serait plus efficace que les Etats pour réguler et diminuer les émissions de carbone.
Le triptyque connaissance, innovation et marché valorisé par la Banque de Suède est une manière de rappeler que croissance et respect de l’environnement ne sont pas antinomiques. C’est également un beau pied de nez aux thèses antisciences et climatosceptiques.
Après avoir valorisé les imperfections de l’humain face à la rigueur cartésienne de l’IA, le comité Nobel nous offre donc un nouveau message d’alerte et d’espoir en l’avenir : face à l’urgence climatique, notre salut viendra de l’innovation et de la science. Une leçon à retenir et à diffuser massivement.