Dans mon dernier numéro je vous promettais un point sur la Russie, le voici.
Différentes affaires émergées au grand jour ont mis le doigt sur la politique du Kremlin en matière d’I.A. Déjà, en juin 2016, le FBI alertait l’Arizona de tentatives d’intrusion sur leurs systèmes électoraux. Le DNC (Comité National Démocrate), chargé d’organiser les élections pour l’investiture à la présidence des US avait prévenu de la pénétration de son système informatique. Un mois plus tard, Wikileaks publiait ses documents. Deux groupes de pirates avaient alors été identifiés, Cozy Bear (APT29) et Fancy Bear (APT28). Cozy Bear avait pénétré la Maison Blanche et le département d’État en 2015 tandis que Fancy Bear s’était occupé les 8 et 9 avril 2015 de la chaine TV5Monde. Et en juin 2015, les Allemands accusaient ce groupe d’avoir espionné le Bundestag. En aout de la même année, des outils puissants de la NSA étaient diffusés sur le Net, qui donnaient aux pirates le même niveau de technologie qu’elle.
Dans son dernier rapport sur la désinformation, le service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) estime qu’elle est « le plus habile pourvoyeur étatique de mensonges » et le 5 décembre 2018, l’Europe pointait encore plus clairement la stratégie de désinformation de Moscou, visant à « affaiblir l’Ouest ».
La Russie utilise tout l’arsenal possible des nouvelles technologies : médias largement financés (En avril 2018, l’agence de presse russe RIA FAN, propriété de Evgueni Prigozhine, lance un site de « ré-information » de la population américaine intitulé « USA Really. Wake Up Americans » ), fake news (en 2012, Concord Catering et Concord Management and Consulting, deux entreprises détenues par Evgueni Prigozhine, encore lui, créent l’IRA, l’Internet Research Agency, la fameuse « Usine à Trolls » de Saint-Petersbourg ), I.A. dédiées… Même s’ils nient ce genre d’agissement, les Russes se sont aussi fait « topés » par l’étude de l’activité de hacking provenant de leur pays. Celle-ci montre des ralentissements durant les périodes de … vacances des fonctionnaires russes !
L’intervention militaire russe en Ukraine, d’abord en Crimée puis dans le Donbass permettra de tester des I.A. scannant les réseaux sociaux, puis délivrant des messages de sape aux combattants adverses. En 2016 est créée une nouvelle doctrine de l’information et en 2017 sont créées des « cyber-brigades ». (En France, La DGSE, pas maligne, publie de son côté ses offres d’emploi pour 1000 hackers pour répondre à cette montée en puissance.)
Aujourd’hui, des I.A. russes scannent les profils d’habitants d’Afrique ou du Maghreb ayant de la famille en Europe puis leur envoie des messages anti-européen qui, par rebond, atterrissant sur nos réseaux, diffusant insidieusement des idées que l’on croit nées en France. (Un exemple parmi d’autres : le 2 janvier 2018 à Goma, en République démocratique du Congo (RDC), a été lancée une campagne numérique #BoycottFrance, et des accusations plus précises encore visent la présence diplomatique française à Goma à travers l’Institut français comparé à une « cellule de renseignement française pour piller les ressources du Kivu »). La Russie joue par exemple avec la ré-interprétation ou l’agglomération de faits, sans lien de causalité entre eux, réveillant l’imaginaire de la françafrique de nos grands-parents tout en nourrissant la rumeur populaire.
Depuis la création en 1923 d’une unité spéciale de désinformation au sein du Guépéou, renforcée dans les années 60 au KGB, la Russie est un maitre dans l’art de la désinformation.
Tous ces exemples montrent qu’une mobilisation démarrant sur les réseaux sociaux n’est pas forcément l’oeuvre d’une communauté locale (1 point de PIB perdu avec les évènements des Gilets Jaunes doit faire réfléchir…)
La Russie est présente sur le Goban, ne l’oublions pas dans le jeu géopolitique mondial, désormais outillé de l’Intelligence artificielle.