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Corriger un dispositif programmant la prochaine crise du logement
Pensé comme le nutri-score du logement, le DPE est devenu un véritable commissaire-priseur du marché immobilier, décidant quel bien peut ou non être mis en location et à quel prix. En donnant une note à chaque logement, il trie ainsi les biens selon leur performance énergétique, et exclut progressivement du marché locatif ceux qui ne seraient pas en accord avec les objectifs environnementaux nationaux. Cette puissante incitation à la rénovation, à destination des propriétaires desdits biens, organise (dans l’état actuel) la sortie de 5,2 millions de logements d’ici à 2028 (18% du parc actuel) du marché locatif. Un curieux paradoxe quand on sait que la raréfaction de l’offre est en train de provoquer la plus grande crise immobilière de l’histoire récente de France. 6S’il est indéniable qu’il est essentiel d’agir sur un secteur responsable de 25% des émissions annuelles de CO2, la méthode a de quoi interroger. Conférer au DPE une importance aussi démesurée, sans se poser la question de son efficacité, ne peut constituer une politique publique satisfaisante. Les défaillances liées au DPE sont nombreuses. Après analyse d’une centaine de diagnostics, nous avons relevé d’importants biais, amputant la crédibilité du signal envoyé :
• Le DPE se concentre principalement sur la consommation d’énergie primaire (celle qui est disponible) d’un bien, et non sur sa consommation finale (celle qui est consommée). Or c’est précisément ce dernier critère – retenu par le législateur pour juger de la décence d’un bien – qui permet de mesurer l’efficacité d’un bien en la matière. Le critère d’émissions de CO2, pourtant essentiel pour satisfaire nos objectifs environnementaux d’ici 2050, n’est pas pris en compte à sa juste valeur, relégué à un rang totalement marginal.
• Le DPE survalorise le chauffage au gaz par rapport au chauffage à l’électricité. Corolaire du point précédent, ce biais est lié au coefficient de conversion du gaz (1), supérieur à celui de l’électricité (2,3). Autrement dit, le DPE valorise le volume d’énergie utilisé par un logement et non son impact environnemental. Alors que le gaz émet 40 fois plus de CO2 au kWh que l’électricité, il obtient de meilleures notes dans les DPE. Le diagnostic valorise donc mieux un bien consommant peu d’énergie qu’un bien consommant de l’énergie verte.
• Le DPE et son algorithme de construction ne sont pas publics. L’opacité de son élaboration et de la pondération des différents items dans la notation finale, pose un véritable souci de compréhension de l’outil. Cela donne lieu à des situations totalement kafkaïennes où le propriétaire ne peut comprendre les causes de la notation finale de son bien. Cette opacité provoque des situations ubuesques, où un bien peut obtenir deux notes totalement différentes en étant notée le même jour par le même diagnostiqueur, ou passer d’une note D à G à cause de l’absence d’une information sur un isolant. Le diagnostiqueur, dont la formation ne dure que cinq jours, n’ayant pas la latitude nécessaire pour apprécier toutes les spécificités d’un bien, est alors cantonné à un rôle de simple releveur de données qu’il se contentera de reporter dans le logiciel dédié.
Ces défaillances sont néfastes pour le marché immobilier. En plus d’effriter la confiance dans les outils dédiés à la transition écologique, elles ne permettent pas d’opérer un tri optimal entre les biens vertueux sur le plan écologique et les autres. Parce qu’il dispose d’une importante notoriété, le DPE doit demeurer, à condition d’en parfaire la construction en :
• Rendant totalement transparent l’algorithme de construction, pour rendre public les pondérations des différentes caractéristiques de notations pour aider à la compréhension de son élaboration.
• Permettant l’auto-diagnostique du logement, par l’habitant. Ainsi, on donne la possibilité à la personne la mieux placée de pouvoir réaliser l’évaluation de son bien tout en aidant les propriétaires à identifier les meilleurs leviers d’amélioration à leur disposition.
• Modifiant la formule de construction de l’algorithme. En se concentrant quasi-exclusivement sur la consommation d’énergie primaire, il occulte totalement la caractéristique énergétique réelle d’un bien. Nous proposons ainsi de transformer le mode de calcul, afin qu’il prenne en compte : la consommation finale, la différence entre la consommation primaire et finale, les émissions de CO2 et une partie confort de vie (qui sera plus marginale car subjective).
Ces évolutions permettront de se concentrer plus efficacement sur les vraies passoires thermiques privilégiant l’énergie brune (au nombre de 500.000) et ainsi de cibler l’effort de rénovation sur ces biens-là, sans avoir à changer ni le calendrier des interdictions, ni supprimer le DPE. Changer quelques éléments techniques du DPE permettrait ainsi au gouvernement de réaffirmer son ambition écologique sans avoir à se dédire ou à faire machine arrière sur son calendrier initial.