Etes-vous « validistes »?

Sur Twitter, je me suis fait traiter de « validiste » pour avoir qualifié l’Europe de « nain géopolitique ». Le validisme – penser que le handicap est une infériorité qui doit être réparée – est désormais considéré comme une injure, au même titre que le sexisme, l’antisémitisme, le racisme ou la stigmatisation des obèses. A la lumière de mon expérience de médecin, je vois sept chapelles philosophiques dans notre rapport au corps humain.

Première famille : les partisans de l’automutilation. Les plus troublants sont les individus qui se castrent ou se font castrer pendant des rapports sexuels extrêmes. La plupart des gens y voient un trouble psychiatrique. Malgré tout, on estime que plusieurs milliers d’Américains se sont déjà volontairement coupé le sexe.

Deuxième famille : les partisans de la sélection du handicap par caprice morbide et égotique. Le Parlement britannique s’est ainsi inquiété de la possibilité de choisir un « mauvais embryon » lors du diagnostic préimplantatoire (DPI). Certains extrémistes sourds souhaitent utiliser le DPI pour obtenir de façon certaine un enfant sourd. L’enfant parfait n’est alors pas l’enfant zéro défaut, mais celui qui est sourd comme papa et maman.

Troisième famille : les anti-validistes. Ils considèrent que le handicap n’a pas à être réparé et peut être un choix libre et éclairé, surtout quand ils se sont construits autour. Certains paraplégiques antivalidistes expliquent qu’ils refuseraient un traitement leur permettant de remarcher. Ce courant se rapproche de l’antipsychiatrie, qui, dans les années 1960, affirmait que la folie est une tentative réussie de ne pas s’adapter à la société.

Quatrième famille : les bioconservateurs. Ceux-là pensent que tout ce qui peut réparer le corps doit être mis en oeuvre, à condition de ne pas toucher à l’embryon. Ce qui conduit à refuser la PMA et à bannir le dépistage prénatal. On retrouve dans ce groupe hétéroclite l’écologiste José Bové, farouche opposant à la FIV, la Manif pour tous, Sens commun, ainsi que des militants d’extrême gauche.

Cinquième famille : les bioprogressistes non transhumanistes. La majorité du corps médical en fait partie et considère que la médecine doit utiliser toutes les technologies, sauf quand elles conduisent à augmenter les capacités humaines. Le Pr Guy Vallancien explique à propos des dernières greffes des testicules et du scrotum : « Réparer l’homme blessé, bien sûr, mais demain on nous demandera d’augmenter l’homme sain. Je m’y refuserai. »

Sixième famille : les transhumanistes. Ils veulent supprimer les limites de l’humanité et créer l’homme­ dieu. Ils considèrent que le vieillissement n’est pas une fatalité, qu’il est légitime de prétendre à une vie sans souffrance ni handicap et d’augmenter nos capacités. Même sans être cynique, on doit constater que les transhumanistes auront deux avantages cruciaux : ils seront plus intelligents, parce qu’ils seront les premiers à accepter les implants d’augmentation cérébrale (Elon Musk a créé Neuralink, destinée à augmenter nos capacités intellectuelles grâce à des composants électroniques intracérébraux), et ils vivront plus longtemps. Ils finiront fatalement par être majoritaires. Le philosophe Luc Ferry se rattache à ce courant.

Septième famille : les posthumanistes. Ils souhaitent carrément que l’homme abandonne son corps et fusionne avec les machines en téléchargeant son cerveau dans des composants électroniques. Toutes les limitations de nos corps disparaîtraient, de même que le concept de handicap. Les discussions passionnées sur ce que nous devons faire de notre corps ne font que commencer. Mais, promis, je ne dirai plus que la « Chine est un géant ».

AUTEUR DE LA PUBLICATION

AUTEUR DE LA PUBLICATION

AUTEUR DE LA PUBLICATION

AUTEUR DE LA PUBLICATION

AUTEUR DE LA PUBLICATION

AUTEUR DE LA PUBLICATION