Formation professionnelle : notre analyse des mesures annoncées

Après plusieurs semaines de négociation entre partenaires sociaux, le gouvernement vient d’annoncer les grandes lignes de la prochaine réforme de la formation professionnelle. Nous avions publié à ce sujet la semaine dernière un rapport appelant à faire de la formation professionnelle l’assurance chômage du XXIe siècle en libéralisant un système aujourd’hui inefficace et opaque.

La ministre du Travail a annoncé ce lundi 5 mars la volonté de l’exécutif de réaliser un Big Bang du système actuel, en le centrant sur l’individu. En voici les grandes lignes.

Le compte personnel de formation sera dorénavant crédité en euros et non en heures de formation. Une mesure de bon sens tant l’évaluation des heures pouvait différer selon les organismes, variant de 1 à 7 pour la même formation. Cette mesure permettra également de pouvoir ouvrir le champ pédagogique et ne plus se contenter de l’assimilation obligée d’une formation à un stage dans une salle de classe, en faisant notamment la part belle aux MOOC et aux enseignements à distance.

Chaque salarié se voit doter d’un droit de 500€/ an pour se former au métier de son choix. Les actifs en CDD auront quant à eux droit à cette somme au prorata de leur temps travaillé. Ce droit sera majoré à 800€ pour les salariés non qualifiés, pour leur permettre d’accéder à une seconde chance face à la qualification et pouvoir évoluer dans leur carrière.

A noter que pour les salariés, il n’y aura pas de différence de droits entre travail complet et partiel, réduisant ainsi la dichotomie entre insiders et outsiders sur le marché du travail.

Afin de faciliter l’accès aux droits de formation, le CPF sera utilisable via une application mobile. Une solution qui peut paraître « gadget » mais qui, si l’on y songe, prend acte du taux d’équipement de chaque individu en smartphone et de l’importance que son utilisation prend désormais.

Quant aux formations, elles seront déstructurées afin d’être plus modulaire et basées sur une réelle approche par compétence ciblée.  Pour permettre de cibler les véritables besoins en formation, chaque salarié aura droit à des conseils gratuits d’évolution professionnelle.

Enfin, l’exécutif a annoncé sa volonté de faciliter l’accès de la formation pour les demandeurs d’emplois, véritable cible de la réforme à venir.

 

En ce qui concerne les entreprises, le système actuel profitant plus aux grandes est notablement rééquilibrée en, faveur des petites. Les cotisations formations seront fusionnées en une cotisation unique au taux inchangé (1,23% pour les entreprises de moins de 10 salariés, 1,68% au-delà) et les droits seront les mêmes pour tous les salariés, permettant ainsi ce rééquilibrage.

Les organismes paritaires collecteurs voient cette dernière mission leur échapper, mettant ainsi fin au maquis administratif et bureaucratique rendant illisible le système actuel. C’est à l’URSSAF qu’iront directement les cotisations, venant alors directement abonder les CPF des actifs, via la Caisse des Dépôts.

Enfin, la Ministre a annoncé la mise en place de France Compétence, un nouvel opérateur national qui sera chargé de certifié les formations et piloter le système de formation professionnelle.

Il est indéniable que le gouvernement a pris la réforme de la formation professionnelle par le bon bout en affirmant la volonté de véritablement faire de la compétence le meilleur bouclier contre le chômage technologique. Chaque individu pourra ainsi être le propre acteur de son parcours en étant libre de suivre la formation de son choix.

Néanmoins, le diable est comme toujours dans les détails : il faudra, pour réussir la transformation annoncée, ne pas reproduire une forteresse administrative et bureaucratique. La centralisation du système risque de précipiter une hyper-concentration des décisions à Paris, au risque donc de négliger l’adaptation à des contextes territoriaux très divers.

En ce qui concerne les parcours de formation, la priorité doit être donnée aux métiers en tension et aux compétences futures indispensables. Face aux bouleversements à venir, ce sont les « soft skills » (comme les capacités à s’exprimer en public, à travailler en groupe, à mener un projet à terme, à analyser et résoudre un problème donné), qui seront les plus importants. Une part toute importante doit être donnée à ces compétences pour augmenter encore plus l’efficacité de cette réforme.

Dans cette nouvelle mouture, de nouveaux acteurs pourraient être en capacité de s’engouffrer pleinement dans le marché de la compétence. C’est le cas notamment des universités. En tant qu’actrices pédagogiques majeures de notre pays possédant les structures et les professionnelles de la formation, elles peuvent naturellement s’imposer comme des interlocuteurs majeurs de la formation tout au long de la vie. Cette arrivée sur ce marché leur permettrait ainsi de pouvoir augmenter considérablement augmenter leurs budgets pour accueillir plus d’étudiants, sans pour autant avoir recours à la dépense publique ou l’augmentation des frais d’inscription.

Néanmoins, ce projet semble oublier totalement les indépendants, les occultant du projet de réforme. Les négociations devraient alors prévoir de nouvelles mesures en ce sens.

La formation professionnelle a été réformée 11 fois ces 46 dernières années. Il semblerait que la 12ème soit la bonne. Elle pose enfin les bases d’un système efficace pour accompagner la transformation digitale du marché du travail.

AUTEUR DE LA PUBLICATION

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