La télévision, un média d’avenir ?

La révolution numérique progressant, nombre d’évidences répétées à l’envi se révèlent être des erreurs. La disparition de la télévision en fait partie. Contre toute attente, ce média traditionnel fait de la résistance. La récente étude réalisée par Médiamétrie montre que la consommation quotidienne de programmes télévisés se maintient à un haut niveau avec 3 h 46 en moyenne. Le téléviseur reste l’écran-roi pour la consommation : le temps passé devant lui a augmenté de 12 minutes en dix ans. Bien sûr, le visionnage traditionnel des programmes « en linéaire » fait, de plus en plus, place à des consommations de rattrapage et à la demande, s’adaptant aux usages, mais les deux modes semblent moins se remplacer que se compléter.

Le public continue de trouver la diversité et la qualité des contenus qu’il désire. C’est sans doute la raison pour laquelle la France, selon un bilan publié par le CSA en 2018, enregistre une pénétration de la vidéo sur abonnement (SVOD) nettement plus faible qu’ailleurs : elle se classe au 15e rang européen avec 10 % de pénétration, très loin derrière le Royaume-Uni (43 %). Dans la guerre de l’attention qui se joue désormais, les plateformes de SVOD, nouvelles venues spectaculaires dans le paysage audiovisuel, sont paradoxalement plus menacées que la télévision traditionnelle.

La concurrence est de plus en plus sur ce créneau en pleine croissance : Disney et Warner, après Amazon, lancent à leur tour leur plateforme de streaming par abonnement. Netflix risque de voir son catalogue s’appauvrir, ce qui aurait des répercussions directes sur sa capacité de recrutement de nouveaux abonnées. La télévision traditionnelle appartenant à un moment de consommation vidéo particulier, elle semble moins en prise directe avec la concurrence d’autres occupations que la SVOD comme le jeu vidéo. Netflix avouait ainsi récemment être plus en concurrence avec le jeu Fortnite qu’avec HBO !

Paradoxal atout. Les modèles d’affaires sont également très différents. La faiblesse traditionnelle des chaînes de télévision, leur dépendance au marché publicitaire, semble bien devenir un paradoxal atout. Le maintien à un bon niveau des investissements publicitaires signale clairement que le média télévisuel reste encore un support puissant de communication quand on souhaite toucher le consommateur.

Les plateformes de streaming, quant à elles, reposent entièrement sur un abonnement dont le niveau, pour rester compétitif dans un contexte de concurrence féroce, doit rester très bas. L’attrait de leur catalogue n’est maintenu qu’au prix d’immenses investissements qui en renouvellent constamment les exclusivités. Pour équilibrer son activité, une plateforme telle que Netflix doit à tout prix parvenir à attirer un très grand nombre d’abonnés, au prix d’énormes efforts marketing. Mais en face d’elle, Amazon ne voit pas d’inconvénient à perdre de l’argent sur une activité de vidéo par abonnement qui n’est qu’un produit d’appel pour sa plateforme commerciale. Le piratage, enfin, est une cause d’importantes pertes d’abonnements potentiels.

Avec le recul, on s’aperçoit que les usages s’hybrident plus qu’ils ne changent radicalement. Tout comme le livre papier résiste fortement à la diffusion des liseuses, parce que les lecteurs y trouvent une valeur ajoutée différente, la télévision n’a certainement pas dit son dernier mot.


Publié dans l’Opinion

AUTEUR DE LA PUBLICATION

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