Le baromètre Ayming-AG2R La Mondiale a révélé en septembre 2018 une hausse régulière de l’absentéisme salarié en France. Ainsi, pour l’année 2017, il a atteint 4,72% des heures de travail en augmentation par rapport à 2016 et 2015. Par ailleurs, l’étude Sofaxis publiée en novembre 2017, ou celle de l’association des DRH des grandes collectivités publiée en septembre 2018, montrent que l’absentéisme a augmenté beaucoup plus (+28%) dans le secteur public que privé depuis 2007, atteignant 8,34% soit supérieur de trois quarts à celui du secteur privé.
Les recherches de l’ISEOR (Institut de Socio-Economie des Entreprises et des Organisations), d’identification des dysfonctionnements et des coûts cachés liés à l’absentéisme, réalisée par l’observation approfondie de 2000 entreprises et organisations depuis 1974, de taille et de secteur très variés, rejoignent les résultats des études citées supra. Elles permettent, en sus, de préciser les causes de l’absentéisme, son impact économique et des solutions pour le réduire. En voici les principaux enseignements :
- Le coût caché de l’absentéisme, « caché » car celui-ci n’est jamais comptabilisé, ni dans les comptes de résultat, ni dans les budgets, est gigantesque. À l’échelle de la population active employée en France de 26 millions de personnes, l’absentéisme coûte plus de 100 milliards d’euros par an (107,9 milliards soit 4,7% du PIB), qui manquent aux entreprises, à l’Etat et, en bout de course, à la croissance française. En ordre de grandeur, c’est presque l’équivalent du budget du ministère de l’éducation nationale qui part en fumée tous les ans.
- Les recherches montrent qu’une part de l’absentéisme est incompressible, « normal » pourrait-on dire. Il se situerait, en France, autour d’un tiers du taux complet d’absentéisme. Par exemple, des épidémies de grippes sont d’inévitables facteurs d’absentéisme dans les organisations. Prendre des mesures contre cet absentéisme aux causes exogènes est inutile pour les organisations. Néanmoins, celles-ci peuvent agir pour mieux réguler ses conséquences dysfonctionnelles endogènes.
- L’absentéisme évitable a pour cause, dans le privé comme dans le public, dans 99% des cas, des défauts de management des personnes. Les modes de management répandus en France, dans les TPE comme les grandes entreprises, le public comme le privé, restent, en effet, infectés par l’utilisation anachronique actuelle des vieux modèles de Frederick Taylor et Max Weber, fondés sur une conception, d’un autre âge, centrée sur les procédures, dépersonnalisée et excessivement spécialisée du travail. Les recherches montrent que les dysfonctionnements managériaux, sources d’absentéisme, s’enracinent tout particulièrement dans six domaines qui sont les leviers de la qualité de vie au travail : les conditions de travail, l’organisation du travail, la communication-coordination-concertation, la gestion du temps, la formation intégrée et la mise en œuvre stratégique (notamment les politiques de rémunération). C’est sur ces six domaines qu’il faut donc agir, dans la proximité avec les collaborateurs, au sein de chaque entreprise ou organisation, afin d’améliorer la qualité de vie au travail et réduire, ainsi, l’absentéisme. Comment ? Par des « négociations » périodiques, au travers d’un dialogue fréquent entre dirigeants ou managers et leurs équipes, portant sur un équilibre acceptable entre les objectifs de résultats et les ressources allouées dans les six domaines cités, de l’amélioration des conditions de vie professionnelle.
- Les recherches de l’ISEOR montrent que le sur-absentéisme du secteur public, au regard du privé, a des causes similaires, mais qu’il est exacerbé par des lacunes plus importantes dans les modes de management, en raison d’une conception wébéro-tayloriste plus poussée de l’organisation et des rigidités supplémentaires induites par un statut de la fonction publique mal interprété.
- L’action des pouvoirs publics sur la question devrait consister, directement pour le secteur public, à favoriser et stimuler l’amélioration de la qualité du management dans les entreprises et les organisations ainsi que celle des formations, initiales et continues, en matière d’organisation et de méthodes de travail collaboratif. Par exemple, un rafraichissement du statut de la fonction publique pour en réduire les rigidités managériales ou bien des initiatives parlementaires, comme celle de l’amendement à la loi PACTE présenté par le député Raphan pour inciter les entreprises, via BPI France, à des innovations managériales.