Platon, Aristote, Pascal, Descartes… ces grands noms connus pour leurs avancées remarquables en philosophie sont paradoxalement peu connus pour leurs travaux scientifiques. Alors que Platon est présenté comme le maître de la philosophie occidentale, peu le connaissent pour son héritage en mathématiques. Blaise Pascal est davantage connu pour ses contributions théologiques que pour sa calculatrice mécanique, la Pascaline. Quant à René Descartes, tout le monde connaît le nom de son œuvre emblématique Discours de la méthode sans connaître les fondements de la géométrie cartésienne. Depuis la moitié du XXe siècle, les sciences dites « dures » et la philosophie vivent un divorce pénible et catastrophique pour notre humanité. Notre méconnaissance des travaux scientifiques des plus grands philosophes de notre histoire en est symptomatique. Le scientifique philosophe est une espèce en voie de disparition pour ne pas dire déjà éteinte, et son absence fait entrer notre civilisation dans une période d’obscurantisme intellectuel. Rabelais a écrit « sciences sans conscience n’est que ruine de l’âme », tout est dit ! Pour empêcher cette ruine et le risque de voir notre civilisation s’effondrer, le scientifique doit (re)devenir philosophe !
Il est temps de (ré-)instruire les scientifiques à la philosophie pour les ouvrir à des réflexions fondamentales pour le bien de notre civilisation
Nous vivons aujourd’hui une révolution technologique sans précédent, dont l’accélération des développements élargit de façon extraordinaire le champ des possibles, mais aussi le champ des risques qui l’accompagnent. Aujourd’hui, force est de constater que le philosophe réfléchit et discute d’un monde qui lui échappe. De son côté, le scientifique avance sans conscience, dans une connaissance non réflexive qui l’empêche de progresser, pour reprendre les mots de Montaigne. Nombreux sont les philosophes qui se sont brûlé les ailes en abordant un cheminement intellectuel sur l’intelligence artificielle ou encore le transhumanisme. Nombreux sont également les scientifiques qui déçoivent par leur absence d’analyse métaphysique et éthique dans leurs travaux. Les phrases entendues de manière récurrente dans la Silicon Valley, telles que « on impacte le monde pour le rendre meilleur ! », peuvent cacher en réalité une absence de réflexion sur les notions de bien, d’innovation ou encore sur le devenir de notre civilisation. C’est un fait : on ne s’improvise pas philosophe, mais on ne s’improvise pas non plus scientifique !
Certains intellectuels pensent nécessaire de limiter le droit d’entreprendre et d’agir pour garantir le bien commun (*). Un danger pour les libertés individuelles, qui marque en réalité l’absence d’une solution qui s’attaquerait au cœur du problème qui s’exprime par l’impossibilité des acteurs techniques à réfléchir différemment. Il est temps de (ré-)instruire les scientifiques à la philosophie pour les ouvrir à des réflexions fondamentales pour le bien de notre civilisation. Il est également urgent que le philosophe se (ré-)approprie les sciences mathématiques pour mieux avancer dans sa compréhension du monde. Par cette union, on redonnera tout son sens au diplôme de docteur en sciences aussi appelé Ph.D. pour Philosophiae Doctor !