A l’approche des élections européennes, l’Europe est plus que remise en cause. La transformation numérique permettra-t-elle de fédérer suffisamment les citoyens, les dirigeants et les institutions européennes autour d’une nouvelle vision commune sur le Vieux Continent ?
Populisme et rejet de l’Europe
L’Europe a connu de nombreuses épreuves ces 10 dernières années. L’Union bancaire a été mise à mal par la crise des subprimes de 2008. La convergence économique des États-membres a été fortement ralentie par la crise des dettes souveraines de 2012 qui a vu trembler plusieurs nations européennes. L’espace Schengen est accusé de ne pas avoir su gérer la crise migratoire de 2014. La construction politique est en pleine tourmente depuis le vote en faveur du Brexit en 2016.
La méfiance des citoyens envers le projet européen se ressent de plus en plus, notamment à travers les élections nationales, où chaque échéance voit les projets anti-européens gagner du terrain. Une étude publiée par The Guardian en novembre dernier avance qu’un européen sur 4 a déjà voté pour un parti populiste aux dernières élections nationales. En 20 ans, le vote populiste est passé de 7% à 25% des voix, cristallisant ainsi, dans les faits. Pour ces partis, l’Europe est vue comme la mère de tous les maux et son rejet constitue la base de tout projet politique.
Théorie de l’intégration régionale
L’économiste hongrois Béla Balassa est considéré comme l’un des théoriciens fondateurs du processus d’approfondissement du projet européen avec son article the theory of economic integration (1961). Reprenant plusieurs travaux sur l’intégration économique d’un ensemble régional, il établit cinq critères d’intégration économique s’appliquant à une zone régionale donnée : zone de libre-échange, union douanière, marché commun, union économique et monétaire, et enfin union politique. Sur ces cinq étapes, il n’en manque qu’une à l’Union Européenne pour atteindre le stade optimal, celui de l’intégration politique. Dans le contexte actuel, bien audacieux ceux qui s’essaieront à imaginer une autorité supranationale européenne capable d’incarner cette union politique. Ce cinquième critère, vu comme le point d’arrivée de l’intégration européenne, ne pourrait-il pas connaitre d’autres étapes intermédiaires ?
L’Europe numérique
La transformation numérique qui touche nos sociétés en Europe et partout dans le monde, n’est pas simplement une vague d’innovation. À l’aube des changements induits par la transformation numérique, que nous connaissons et surtout de ceux que nous ne connaissons pas encore, l’Europe doit être pionnière sur l’accompagnement de ces changements au service de tous. Des projets concrets pourraient voir le jour, permettant au Vieux Continent de rester dans la course internationale. L’entrée tonitruante de la blockchain dans le secteur logistique pourrait offrir des solutions harmonisées au niveau européen pour la libre-circulation des personnes et des marchandises dans l’espace Schengen. Un rapprochement des systèmes fiscaux et sociaux permettrait de se poser les bonnes questions sur la taxation du travail et celle du capital, et éviteraient les discordances, comme celle que l’on constate sur la taxation des GAFA, et les projets fantaisistes, comme celui de la taxe sur les robots. Une meilleure écoute des citoyens, grâce aux « Civic Tech » et aux « Smart Cities » dont ils sont bien souvent les créateurs, permettrait de réorienter le paquebot européen avant qu’il ne touche l’iceberg nationaliste.
L’Europe telle qu’elle est ressentie aujourd’hui ne fait plus rêver car elle n’offre plus de cap. Faisons évoluer l’Europe avec une nouvelle étape d’intégration régionale, ancrée sur le numérique et ses formidables promesses pour renouer avec la prospérité et la volonté d’un futur en commun. Souhaitons que les prochaines élections européennes soient l’occasion de mettre ces différents sujets sur la table, pour nourrir ce prochain Grand Débat Européen.