Bruxelles est-elle en train de «tuer» l’industrie automobile européenne sur l’autel de la transition énergétique ? C’est à cet affligeant constat que la législation communautaire nous conduit progressivement.
Rappelons que le pacte vert européen interdira à partir de 2035 la vente de voitures thermiques neuves sur le vieux continent. Forcés et contraints, les constructeurs européens sont donc en train de transformer à grands frais leurs chaînes de montage au profit des véhicules électriques dont ils attendaient un accroissement exponentiel des ventes au cours de la présente décennie. Malheureusement, après une dizaine d’années de progression spectaculaire, le marché de la voiture électrique à batterie (VEB) a amorcé depuis mi 2023 un déclin inquiétant. Depuis un an, les ventes des voitures électriques se sont en effet contractées de 11%, induisant des restructurations massives comme chez Tesla qui a licencié 10% de son personnel.
Les raisons sont multifactorielles : augmentation importante des prix des voitures électriques (liée notamment à la forte inflation sur les matières premières composant les batteries) mais aussi de la recharge devenue parfois plus onéreuse au kilomètre parcouru que des carburants en forte baisse, diminution significative des aides d’États fortement endettés, raisons purement pratiques liées à l’autonomie sur longues distances et au manque de bornes de recharge notamment dans les grandes villes où la voiture électrique à batterie est totalement ingérable.
Mais, la législation ne s’arrête pas à 2035. Pour réduire les émissions dans les transports, Bruxelles a aussi imposé aux véhicules thermiques des réductions draconiennes : les 110 g CO2/km actuels devront passer à 95 g CO2/km en 2025 et à moins de 70 gCO2/km en 2030. Des objectifs presque impossibles à atteindre sauf à investir massivement dans la recherche pour une filière amenée à disparaître dans moins de dix ans ! D’autant qu’en cas de non-respect de ces émissions seuil, des amendes seront appliquées aux constructeurs sur l’ensemble des voitures vendues.
Les motoristes européens comptaient évidemment sur la vente massive de voitures électriques au cours des prochaines années pour alléger leurs émissions globales. Hélas, l’orientation négative du marché grossit l’amende de jour en jour. Selon l’association internationale des constructeurs, elle s’élèverait en 2030 à au moins quinze milliards d’euros. Pour contourner l’amende, les constructeurs n’auront d’autre choix que de réduire leur production de véhicules thermiques avec des conséquences majeures : fermetures d’usines avec pertes d’emplois à la clé, réduction significative du chiffre d’affaires et augmentation potentielle du prix de véhicules thermiques raréfiés. Principal constructeur européen, Volkwagen a annoncé préparer un plan massif d’économies engendrant des fermetures d’usines en Allemagne.
Sur le plan mondial, cette situation est d’autant plus navrante qu’en termes de voitures thermiques, l’Europe (comme les Etats-Unis) possède un avantage technologique historique sur la Chine. Un avantage que l’Empire du Milieu n’a jamais comblé. Renault, Peugeot, Fiat ou Volkwagen pour les véhicules de grande distribution, BMW ou Mercedes pour le haut de gamme, Porsche, Ferrari ou Rolls Royce pour les voitures de luxe, l’Europe garde dans ce domaine un «presque monopole». Pour preuve, tous les bolides de Formule 1 sont européens. Si les sports mécaniques figuraient aux JO, le vieux continent raflerait toutes les médailles tandis que les Chinois n’y feraient que de la figuration.
Oubliant le moteur thermique, les Chinois ont au contraire massivement investi dans la voiture électrique à batterie. Contrôlant 80% de la production mondiale des batteries mais aussi de l’ensemble des métaux critiques nécessaires à leur production, les Chinois ont aujourd’hui dix ans d’avance sur leurs concurrents européens. Face à la machine chinoise bénéficiant de surcroît d’un coût du travail bien inférieur, les entreprises automobiles européennes sont laminées dans tous les domaines : plus performants, les voitures électriques chinoises sont entre 20% et 30% moins chères que leurs homologues européennes.
Si les ventes de véhicules électriques à batterie stagnent en Europe, les ventes de véhicules chinois sont quant à elles en progression constante. En deux ans, les ventes de véhicules électriques chinois sur le vieux continent sont passées de 2% à 10%. Aussi, pour protéger une filière automobile européenne en grandes difficultés employant près de 15 millions de personnes, l’Europe projette d’imposer 40% de droits de douane supplémentaires (soit 50% au total) aux importations de voitures électriques chinoises.
Si, en première lecture, cette décision apparaît légitime face aux subventions déloyales accordées aux entreprises chinoises pour leur permettre de casser leurs prix, cette taxe supplémentaire payée par le consommateur européen augmentera mécaniquement de 50% le prix des véhicules chinois. Elle n’incitera pas pour autant le consommateur à se tourner préférentiellement vers les véhicules électriques européens. Elle risque au contraire de le dissuader d’acheter électrique et de se tourner vers le marché de l’occasion thermique aujourd’hui en plein boom. Le rallongement de la vie de voitures thermiques au-delà de quinze ans aura pour conséquence d’accroître les émissions et non de les réduire. Un résultat en complète contradiction avec une transition vers la mobilité bas carbone.
Cette situation kafkaïenne reflète en filigrane les décisions technocratiques irréfléchies. Halte au pacte vert européen qui conduit l’Europe à se suicider sur l’autel de la vertu !