Né en Allemagne en 1973 dans le cadre d’un projet de loi pour l’environnement, le principe de précaution a fait son entrée dans la Constitution française en 2005. Alors que sa philosophie initiale voulait que l’action prime sur le renoncement, la précaution a fait prospérer chez nous un courant anti-scientifique qui bride l’innovation. Cette dernière est pourtant essentielle à la croissance.
Les exemples sont légions en France. Que ce soit dans l’agriculture, la chimie, la recherche appliquée, l’agroalimentaire ou l’énergie, chaque innovation, aussi incrémentale soit-elle, a très souvent été décriée et empêchée au nom du principe de précaution. A côté de combien de réalisations scientifiques importantes sommes-nous passés à cause de l’article 5 de notre Constitution ? Petit à petit, le principe de précaution a distillé dans l’opinion publique l’idée que la science présentait un danger mortel et devait absolument être encadrée, voir stoppée.
A chaque débat lié à la mise en place d’une innovation, la peur de la nouveauté et l’angoisse (légitime) d’éventuels effets indésirables poussent le politique à légiférer dans le sens d’un encadrement strict. Une partie militante de l’opinion publique a ainsi pris en otage le principe de précaution pour faire prévaloir son idéologie, au détriment des faits et démonstrations scientifiques. La passion l’a emporté sur la raison.
Le monde que nous connaissons est en passe de connaître une révolution sans précédent. L’émergence de la société numérique rebattra totalement les cartes de la mondialisation actuelle. Les nouveaux pôles économiques dominants ne seront plus ceux d’hier, mais ceux qui auront su être aujourd’hui les champions de l’innovation.
Notre principe de précaution, tel qu’il est pensé et ancré dans notre inconscient collectif, limite considérablement notre capacité de jouer un rôle dans la bataille qui se joue. La France ne pourra tirer son épingle du jeu numérique qu’à la condition de substituer à son principe de précaution un principe d’action et d’innovation, sans pour autant nier le risque existant et inhérent à chaque découverte scientifique.
Nos 6 propositions pour passer de la précaution à l’innovation
- Ne pas voter de loi sans de vraies études d’impact au préalable. Actuellement, tout projet de loi doit être accompagné d’une étude d’impact, mais celle-ci est trop souvent superficielle et complaisante. Ces études d’impact devront être réalisées par un comité d’experts indépendants.
- Traquer les sur réglementations, en recensant les lois et normes inutiles et en évaluant celles qui entravent l’innovation. Il sera nécessaire de proposer la réécriture de ces lois, voire leur suppression. La France compte plus de 400.000 normes, une inflation législative qui entrave toute volonté innovatrice ou génératrice de progrès.
- Apprécier la pertinence de la loi dans le temps en réalisant un suivi à plusieurs niveaux: les politiques publiques devraient être évaluées 1 an après leur application et 5 ans après (soit un mandat de député). Il s’agit de mesurer les effets de la loi et de tenir compte de l’évolution du contexte, des demandes des consommateurs, des exigences du corps social et des nouvelles contraintes de concurrence.
- Abolir toute loi qui n’a pas reçu ses décrets d’application dans un délai de 6 mois. Si une loi n’a pas reçu ses décrets d’application au bout de 6 mois, c’est qu’elle n’était pas indispensable. Cette disposition évitera également à la société civile d’attendre en vain l’application d’une loi, ce qui crée une situation d’attentisme préjudiciable.
- Favoriser les expériences en « bac à sable ». Encourager le mouvement scientifique ne signifie pas nier les risques inhérents à une innovation. Nous proposons que les innovations soit d’abord testées à travers un dispositif ad hoc de type « bac à sable », c’est-à-dire dans un périmètre limité et contrôlable.
- Annuler toute réglementation française qui viendrait en alourdissement d’une norme européenne. La France est un des seuls pays européens à vouloir rajouter une couche réglementaire à chaque directive européenne en pratiquant la sur-transposition. Une tendance bureaucratique qui fausse la concurrence avec les autres pays européens, en durcissant notre réglementation plus que nécessaire. En se limitant uniquement aux normes établies à Bruxelles, on pourra alors favoriser une harmonisation nécessaire des règles au sein de l’Union Européenne.