Ô Capitaine ! mon Capitaine !

« De l’excrément : c’est tout ce que vaut Monsieur J. Evans Pritchard. Il ne s’agit pas de mesurer de la tuyauterie ! ». Ainsi parle le fameux professeur Keating dans « Le Cercle des poètes disparus » lorsqu’il s’agit de montrer combien est vieillot l’enseignement traditionnel de son école. Le brevet approche pour les classes de troisième et le baccalauréat se profile comme chaque année. Les élèves commencent à stresser et à réviser leurs savoirs des années passées.

L’Intelligence Artificielle figure bien dans le programme scolaire et une double page y est par exemple consacrée dans le livre d’histoire-géographie de troisième, à la rubrique « instruction civique ». Il faut tirer un coup de chapeau à ces professeurs qui impliquent leurs élèves, comme ce professeur de français mettant à l’honneur des romanciers tels Philip K. Dick, George Orwell ou Aldous Huxley ou ce professeur d’histoire géographie qui présente l’apprentissage par carte heuristique et  l’utilise lui-même : bravo !

Les rédacteurs des prochains sujets d’épreuves (du brevet au baccalauréat) et l’ensemble du corps professoral ont tout à gagner à intégrer cette dimension de l’I.A. et de l’innovation dans leurs propositions de sujets. La science physique peut s’emparer du sujet de la robotique et des systèmes de bras articulés. Le professeur de philosophie pourra sensibiliser l’élève à l’éthique et à la question de l’homme et de la machine, de l’intelligence humaine et artificielle. Le « prof de math » a à sa disposition un ensemble d’équations et de systèmes algorithmiques et surtout, il a la lourde tâche de palier à l’absence navrante de professeur d’informatique dans les matières principales (!!!). Le français n’est pas en reste puisque c’est à cette matière qu’il revient de sensibiliser les élèves avant la terminale sur les aspects philosophiques précités (puisqu’on ne considère pas qu’il faille « faire de la philo » avant la terminale). Les sciences civiques et sociales, qui prennent un poids de plus en plus important dans les programmes devraient également étayer leur double page actuelle sur le sujet et aller plus loin dans les applications futures et les réflexions citoyennes connexes.

On le sait, bousculer le système scolaire ne se fera pas d’en haut. Le gouvernement, lorgné par les syndicats d’enseignants à chaque battement de cil, se retrouve prit dans une chape qui, si elle n’est pas de plomb pour certains, représente cependant un sérieux frein face à la rapidité des changements sociétaux. Et de toute façon, de manière structurelle et temporelle, les changements me semblent compliqués. Un exemple : les livres d’histoire de cette année 2018-2019 sont rédigés l’année précédente, et donc des éléments d’économie qui peuvent dater de deux ou trois ans sont appris par nos enfants. Les tablettes numériques, pourtant présentes dans les collèges et lycées, ne sont guère utilisées et le livre papier fait toujours foi. L’information réelle et fraîche, à portée de clic, est aussi mise de côté car trop complexe à gérer pour un professeur qui préfère souvent la stabilité d’un apprentissage pérenne. Mais le monde d’aujourd’hui est mouvant, instable, il va vite. La tâche de formateur se trouve compliquée lorsqu’on utilise les outils du XXe siècle. La clé est peut-être de comprendre qu’on ne forme plus de futurs ouvriers d’usines, mais de futurs multitâches, capables de s’adapter à des évolutions rapides et aux apprentissages en multicompétences.

La réforme de l’école peut et doit aussi passer par un intérêt majeur des enseignants pour la révolution de l’Intelligence Artificielle et des NBIC, quand tous les enseignements, comme tous les secteurs de la vie, sont adressés. C’est bien le propre d’une révolution. Pour ce combat, il nous faut des John Keating, il nous faut des Capitaines.

 

AUTEUR DE LA PUBLICATION

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