Nos cerveaux doivent être modifiés par la science pour augmenter notre quotient intellectuel et résister à la concurrence de l’intelligence artificielle, plaide l’essayiste. Face aux nombreuses critiques que suscitent ses thèses, l’auteur se fait polémiste et contre-attaque.
Pour rivaliser avec l’intelligence artificielle, il n’y aura demain qu’une solution: une montée en puissance radicale de notre cerveau en utilisant tout le potentiel des nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives (NBIC). Il va devenir possible d’augmenter l’intelligence en agissant soit en amont de la naissance, soit directement sur la machine cognitive qu’est le cerveau lui-même. L’école deviendra alors transhumaniste et trouvera normal de modifier le cerveau des élèves. Face à ce changement de civilisation, l’État doit devenir un manager des intelligences et assurer une cohabitation harmonieuse entre les cerveaux faits de silicium et nos cerveaux biologiques. L’intelligence est désormais la clé de tous les pouvoirs et la politique tout entière sera bientôt tournée vers la gestion des intelligences. Telle est la thèse que je défends.
Or, en réponse à mon livreLa Guerre des intelligences, Édouard Tétreau dans Le Figaroet Laetitia Strauch-Bonart dansLe Point ont opposé des arguments humanistes et religieux à ce que je considère comme une démocratisation de l’intelligence. Les élites intellectuelles ont mille arguments pour maintenir les inégalités intellectuelles: l’intelligence ne serait pas cruciale et notre humanité ne se réduirait pas à nos capacités cognitives. Derrière cet humanisme de façade et la bienveillance, il y a un égoïsme de classe. Les élites vivent la période la plus enthousiasmante que l’humanité ait connue: l’âge d’or des innovateurs et des intellectuels. Mais le festin est réservé aux élites intellectuelles innovantes qui jouissent d’un quotient intellectuel élevé. Les autres, dontles performances intellectuelles sont moins bonnes, sont marginalisés.
Les élites ont lancé la société de la connaissance, du big data et l’industrialisation de l’intelligence artificielle sans se préoccuper dela démocratisation de l’intelligence biologique. Elles n’ont même pas commencé à réfléchir à l’avenir des gens moins doués. Elles font de la mesure de l’intelligence un tabou, alors que les inégalités de quotient intellectuel sont les principales sources des inégalités sociales et économiques! Le quotient intellectuel ne mesure pas la dignité humaine, mais notre capacité à résister à l’intelligence artificielle puisqu’il synthétise notre plasticité neuronale et donc notre adaptabilité intellectuelle.
Un point de quotient intellectuel supplémentaire a un impact de plus en plus fort sur la réussite au sens large. Dans une société de la connaissance, les écarts de capacités cognitives entraînent des différences de revenus, de capacité à comprendre le monde, d’influence et de statut social explosives. En réalité, le tabou du quotient intellectuel devient une arme de «l’hyperclasse» pour maintenir son pouvoir. Ce tabou traduit le désir inconscient et inavouable des élites intellectuelles de garder le monopole de l’intelligence, qui les différencie de la masse. Les élites sont paniquées à l’idée que les neurotechnologies détruisent demain leur supériorité intellectuelle.
Il est pourtant urgent d’agir et de les convaincre de devenir moins égoïstes. Sergey Brin, a confessé en 2017 à Davos que l’intelligence artificielle progresse bien plus vite que tous les pronostics: l’industrialisation de l’intelligence artificielle va bouleverser l’organisation politique et sociale. Les «neuro-conservateurs» Édouard Tétreau et Laetitia Strauch-Bonartne réalisent pas que leur discours ralentit la mobilisation politique pour réguler «la guerre des intelligences». Le décalage entre l’industrialisation de l’intelligence artificielle, foudroyante, et la démocratisation de l’intelligence biologique, qui n’a pas commencé, menace désormais la démocratie: la refondation de l’école et de la formation est une urgence politique absolue. Il faut rééquilibrer les investissements et investir dans la recherche pédagogique au moins autant que les géants du numérique -Les GAFA américains et BATX chinois – investissent dans l’éducation des cerveaux de silicium.
Les élites intellectuelles ont abandonné des pans entiers dela population qui sont marginalisés: il est tout juste temps de sauver les naufragés du numérique. Nous devons casser le tabou du quotient intellectuel et monitorer les inégalités intellectuelles. Non pour stigmatiser mais pour piloter la montée en puissance de nos cerveaux biologiques et lutter contre les inégalités. Imagine-t-on de surveiller un diabétique sans mesurer la glycémie? Nous devons rapidement donner un droit à une formation de grande qualité au long de la vie et non des allocations à vie aux gens qui seront bousculés parle choc technologique: ce n’est pas le revenu qui doit être universel, mais le développement du cerveau. Au XXIe siècle, la réduction des inégalités ne se fera plus par la fiscalité, mais par l’amélioration cognitive: le Piketty du futur sera neurobiologiste et non fiscaliste!
Si l’école ne démocratise pas rapidement l’intelligence biologique, en utilisant tout le potentiel des sciences du cerveau, nous aurons un apartheid intellectuel puis une crise politique majeure. Les «neuroconservateurs», qui refusent, au nom des bons sentiments humanistes, l’utilisation des neurosciences pour réduireles inégalités intellectuelles, nous conduisent à une situation critique. Les «neuro-conservateurs» seront balayés par la neurorévolution. Là où 1789 était une révolution bourgeoise dirigée contre les privilèges de la naissance, la neurorévolution marquera l’abolition des privilèges de l’intelligence.