Cette note s’inscrit dans le prolongement direct dans l’étude Sécuriser et améliorer notre système de santé publiée par l’Institut Sapiens en septembre 2020, et vise à en prolonger l’analyse sur un aspect particulier : celui du rôle des complémentaires santé, dans le cadre du Contrat responsable. Elle s’inscrit également dans l’actualité des travaux du Haut Comité pour l’Avenir de l’Assurance Maladie (HCAAM), qui portent actuellement sur la place de la complémentaire santé et prévoyance en France.
En effet, les garanties de couverture des contrats de complémentaires santé, souscrites à titre individuel et surtout à titre collectif, dans le cadre de l’entreprise, ne sont pas libres. Un cadre a été défini par la loi de réforme de l’assurance maladie de 2004 : le Contrat responsable, qui fixe aux complémentaires santé des obligations, comme celle de rembourser un montant minimum en optique, et des interdictions, comme celle de ne pas rembourser certains dépassements d’honoraires au-dessus d’un montant déterminé.
Le non-respect de ce cadre induit, pour les contrats « non responsables », une surtaxation de 7 points au titre de la Taxe de Solidarité Additionnelle (TSA) – soit 20,27 % contre 13,27 % pour les contrats responsables. Il faut noter que la TSA est répercutée et en conséquence réglée par les souscripteurs, individus et entreprises. En sus, pour les entreprises, la déduction de la cotisation relative à la couverture santé de leurs salariés (au titre des charges sociales et de l’impôt sur les sociétés) est subordonnée au fait que le contrat soit « responsable ». Or cette déduction est un élément indispensable économiquement pour l’entreprise pour assumer le coût de cette couverture.
À sa création en 2006, la contrainte était vertueuse et simple : les garanties complémentaires ne devaient pas entraver la régulation du parcours de soins par l’Assurance maladie. Puis, le Contrat responsable a dégénéré, au fil du temps, en un carcan extrêmement tatillon de règles très précises, le point d’orgue étant atteint depuis début 2020 avec le dispositif du « 100 % santé », qui prévoit des obligations de remboursement total sur certains types de prothèses et des limitations strictes sur certains autres, en matière d’optique, de prothèses dentaires et d’aides auditives.
En définitive, le Contrat responsable a progressivement conduit les complémentaires santé à devenir les hyper-spécialistes du financement de ces trois domaines (optique, dentaire et aides auditives). Ce mouvement s’est opéré au détriment d’une différenciation souhaitable du rapport garanties / prix des couvertures proposées, suivant les besoins et les moyens des assurés, mais surtout au détriment du financement du reste à charge (RAC) des assurés en cas de gros incident de santé, comme l’hospitalisation et les Affections de Longue Durée (ALD).
Cette logique a finalement abouti à la séparation du petit et du gros risque : l’Assurance maladie a vu croître sa part (78,2% en 2019) dans la Consommation de Soins et de Biens Médicaux (CSBM) puisqu’elle prend en charge à 100 % les frais de soins hors dépassements d’honoraires et soins non-remboursables pour les ALD ; tandis que les OC ont pris une place croissante dans le « petit risque ». Cette répartition avait pourtant été très largement rejetée lors de la dernière campagne présidentielle, car elle ne répond à aucune logique médicale ou médico-économique.