Conventionnel vs Bio : une guerre économique et sociétale inutile qui ne dit pas son nom
L’agriculture a évolué fortement au cours du XXème siècle. Le terme de « calamité agricole » a disparu de notre langage pour le bonheur de tous. Malgré les aléas météorologiques impactant l’agriculture, des techniques de production et des aménagements structurants ont permis de faire face aux enjeux et permettent une alimentation couvrant les besoins de la population jusqu’à en devenir une des forces économiques de notre pays, grâce aux exportations.
Comme toute évolution technique, lorsque des problèmes sont résolus, la dynamique de progrès peut conduire à des excès. L’utilisation non maitrisé d’engrais ou de produits phytosanitaires en est un exemple. Conscient de ces excès, des corrections sont à apporter. C’est là que naisse des visions divergentes sur les actions à mettre en place.
En premier lieu, tout le monde ne va pas avoir conscience des excès en même temps et cela peut prendre même une génération. La prise de conscience du réchauffement climatique en est un bon exemple. Les mesures à apporter pour corriger les excès de l’agriculture du XXème siècle, font débat dans le monde agricole et provoque même des conflits très forts (affrontement sur les retenus d’eau par exemple).
Entre une démarche des petits pas mise en place par la grande majorité des agriculteurs, d’autres agriculteurs ont opté pour une démarche plus radicale qui passe par l’interdiction de certains usages au lieu d’une meilleur maitrise des usages. Ce mouvement radical se retrouve dans la dynamique du Bio.
Aux XXIème siècle, l’agriculture biologique a trouvé sa place dans le monde de la production agricole tout comme chez les consommateurs. La forte augmentation des quantités produites et du chiffre d’affaires
réalisés en bio a encouragé cette dynamique et surtout rassuré sur leur conviction les acteurs qui se sont impliqués dans cette filière.
Des événements mondiaux ont généré la montée de l’inflation qui complique sérieusement la dynamique de l’agriculture biologique. La baisse des ventes a un impact fort sur l’équilibre économique des exploitations en agriculture biologique. Ce retournement de situation auquel peu de personnes s’attendait, fait resurgir des réactions qui risque d’être contre-productive.
L’agriculture biologique (plus qu’en conventionnel) est contrainte de se questionner pour rebondir et ainsi faire face à la dynamique d’inflation. Plusieurs réactions de la filière se font sentir, mais certaines recherchent à relancer le combat : conventionnel vs bio. Elles ne proviennent pas forcément que des agriculteurs mais aussi de la distribution de produits bio tout comme d’associations.
Vu l’évolution des pratiques dites durables de culture et d’élevage des acteurs conventionnels, l’écart entre le mode de production bio et conventionnel est de plus en plus réduit. Rajouter des exigences supplémentaires pour l’agriculture biologique peut augmenter sensiblement le coût des produits, ce qui est contraire à l’attente des consommateurs en temps d’inflation forte. Cette option est donc très risquée. L’autre option que certains mettent en avant est de radicaliser leur discours sur les méfaits de l’agriculture conventionnelle. Ils en viennent même à stigmatiser cette dernière en l’accusant de tous les maux qui nous arrivent.
Pour que l’agriculture biologique puisse garder ses spécificités, son modèle économique doit évoluer et intégrer un besoin supplémentaire en main d’oeuvre et donc une plus forte augmentation des coûts au vu de l’augmentation des salaires. Ce modèle doit également prendre en compte un plus faible rendement de production. S’y ajoute l’augmentation des consommables et d’équipements renchérisse dans une proportion plus importante que pour le conventionnel.
Ce phénomène d’impact des coûts de production peut être très problématique à l’agriculture biologique pour son autonomie dans le sens où un mixte entre l’agriculture biologique et conventionnel n’est pas autorisé par la filière bio. Son déploiement comme une solution d’avenir et sa généralisation risque d’être contrariés.
Pour intégrer les impacts multiples de l’inflation, une guerre économique se joue sous nos yeux afin que le nombre d’exploitations en agriculture biologique qui se tournent vers le conventionnel soit le plus faible possible.
L’agriculture biologique n’est pas qu’un mode de production. Elle est aussi le reflet d’un mode de vie qui est porté non seulement par des agriculteurs mais aussi par une partie de la population. C’est un enjeu sociétal également. Le fait que le modèle de l’agriculture biologique soit bousculé, amène des réactions vives qui consistent à s’opposer à l’agriculture conventionnelle de manière frontale. Malheureusement cette option n’apportera aucune solution à la crise particulière que subie l’agriculture biologique.
Le déferlement de violence sur des projets agricoles n’est pas acceptable. La guerre sociétale que mène certaines associations desserrent les agriculteurs dans leur généralité. En politisant leur action, ces associations compliquent le travail des agriculteurs. Faire avancer les dossiers sociétaux par voie pacifique est toujours plus productif que par le conflit.
La solution pour notre agriculture ne peut être unique. Elle sera plurielle comme toujours. Les mouvements qui cherchent à radicaliser notre agriculture et en faire un de leur instrument de propagande se trompent de terrain de jeu. L’agriculture biologique est un éclaireur des solutions pour toute l’agriculture et non un mode de production qui doit écraser un autre mode de production.
Le bio ne va pas disparaitre. Il est une composante à part entière de notre agriculture qui a encore beaucoup de défis à relever dont son renouvellement de génération. C’est en se mettant tous à travailler dans le même sens que nous la ferons évoluer.