Depuis le mercredi 29 août et faisant suite à la démission « surprise » mais…attendue de Nicolas Hulot, la fonction de Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire est vacante. Tous les « chasseurs de tête » sont sur le pied de guerre et les « entretiens d’embauche » se succèdent à l’Elysée.
L’institut Sapiens a réfléchi à la description de poste du futur ministre. Bien que les qualités requises soient nombreuses (force de conviction, capacités d’écoute et de communication), nous avons essayé de discriminer celles qui nous paraissaient les plus spécifiques.
En fonction des critères à remplir, nous avons identifié le meilleur candidat pouvant « cocher le maximum des cases ».
Stature et légitimité
Ce poste peut difficilement être occupé par une personnalité de la société civile sans expérience politique qu’elle soit militante de la première heure, expert avéré, capitaine d’industrie, navigatrice chevronnée ou journaliste vedette.
L’exposition requiert une femme ou un homme politique aguerri possédant de par son historique une stature nationale et internationale reconnue dans le domaine. Parfait bilingue français anglais, il (elle) devra connaitre sur le bout des doigts non seulement les institutions nationales mais aussi la pratique des grandes organisations européennes et mondiales telles l’ONU l’OCDE, le FMI ou la Banque Mondiale.
Même s’il est entouré de nombreux experts et spécialistes en la matière, il puisera une grande partie de sa légitimité dans sa capacité à comprendre et à apprécier de façon objective les nombreux dossiers souvent contradictoires qui lui seront proposés, à démasquer les « fake news » que les lobbies de toute origine ne manqueront pas de lui inoculer journellement. Stature et légitimité lui permettront de peser et de se faire respecter.
Pragmatisme et objectivité
La stratégie qu’il mettra en place ne devra pas se concentrer sur le seul problème climatique. Elle devra aussi garantir la pérennité des deux autres piliers de la transition écologique : la compétitivité des entreprises et la sécurité énergétique des citoyens.
Pour éviter les conflits d’intérêt entre ces trois piliers il devra conduire une politique écologique rationnelle plutôt que militante privilégiant les réalités techniques, économiques et géopolitiques à la mode, aux récits et à l’incantation.
Agissant en véritable cadre dirigeant de l’ « Entreprise France », il devra arbitrer avec pragmatisme et sans parti-pris les antagonismes qui surgiront inévitablement entre les différentes composantes de son ministère (environnement, énergie, agriculture, chasse et pêche).
Forte personnalité, il traitera les dossiers extérieurs dans l’intérêt général sans se laisser influencer par aucun groupe de pression qu’il s’agisse d’acteurs industriels ou d’associations environnementales.
Son pragmatisme devra particulièrement s’affirmer en matière de politique énergétique rejetant sans ambiguïté les schémas délirants du type « 100% de renouvelables dans 10 ans ». Il s’interdira d’opposer nucléaire et renouvelables qui sont en réalité complémentaires. Sans succomber ni aux intégristes nucléaires ni aux lobbies des « khmers verts », il révisera en profondeur la loi sur la transition énergétique de 2014 dont l’irréalisme (réduire la génération nucléaire à 50% en 2025!) n’est plus à démontrer. Vériste, le nouvel échéancier privilégiera une mise en œuvre décentralisée des ENR.
Il s’inspirera sans tabou des expériences étrangères positives et ne s’interdira pas d’augmenter temporairement la proportion de gaz dans le mix électrique pour appuyer conjointement la montée en puissance des ENR et la réduction raisonnable du nucléaire. Il prendra aussi en compte les échecs idéologiques comme celui de l’Energiwierde qui a conduit l’Allemagne ne pas réduire sa consommation de charbon.
Européen et multilatéraliste
Le ministre devra inscrire son action dans le cadre de la politique pro-européenne et multilatéraliste du président Macron. Il s’opposera sans concession aux néo populistes qui laissent entendre que la transition écologique doit rester « affaire nationale ». De la pure fiction. Car, si le fondamentalisme écologique sublime le climat aux dépens des deux autres piliers, toute démarche nationaliste amplifie inévitablement la compétitivité et la sécurité aux dépens des objectifs climatiques.
Sa stature et sa légitimité lui permettront de convaincre ses partenaires que l’Europe est le véritable espace naturel dans lequel peut s’inscrire la transition énergétique. Homogénéisation de la taxe carbone, mutualisation des émissions de Gaz à Effet de Serre, interconnexion des réseaux de gaz et d’électricité, communautarisation de la R&D sur les renouvelables, le stockage de l’énergie et la captation/stockage du carbone sont autant de thématiques structurantes capables de relancer le projet européen.
Le candidat (avis personnel)
Après avoir passé au crible une dizaine de candidats, la moulinette de l’Institut Sapiens a convergé sans ambiguïté sur le nom de Brice Lalonde qui coche toute les cases de la « Job Description ».
Né Forbes de mère américaine Brice est parfaitement bilingue. Initialement militant écologiste de gauche (PSU, UNEF et président des Amis de la Terre), il devient en 1974 directeur de campagne de René Dumont. En 1981, il est candidat à l’élection présidentielle puis entre 1988 et 1992, successivement secrétaire d’État, ministre délégué et enfin ministre de l’Environnement dans les gouvernements Rocard et Cresson. A ce poste, il imposera le pot catalytique, créera l’ADEME et fera adopter au niveau international la fin du commerce de l’ivoire. Il a aussi été maintes fois élu local comme conseiller régional de Bretagne et maire de Saint-Briac-sur-Mer.
Dès le milieu des années 1980, il a été le seul à plaider pour la neutralité politique de l’écologie, à s’être démarqué de la dérive idéologique des Verts et à s’être réorienté vers le centre. Mal compris, ce basculement amorcera malheureusement sa chute politique prématurée.
Il entamera alors une « seconde vie » d’abord en tant que consultant sur des projets de développement en Afrique puis, au sein des grandes organisations internationales. Appelé en 2007 sur proposition de Jean-Louis Borloo comme ambassadeur chargé des négociations sur le changement climatique, il sera responsable en 2010 pour le compte de l’ONU de la Rio+20 puis en 2013, il y deviendra conseiller spécial pour le développement durable
Brice Lalonde complète son impressionnant Curriculum Vitae en créant en 2015 le « Business & Climate Summit », un lieu d’échanges et de débats entre les décideurs économiques et politiques sur les meilleurs moyens de combattre le changement climatique à l’échelle mondiale. Il est aussi président de l’association « Équilibre des Énergies » ce qui démontre sa conviction quant à un mix hybride et équilibré où comme les autres énergies dé-carbonées, le « nucléaire a toute sa place ».
Brice Lalonde n’est pas seulement un homme d’Etat de conviction et de passion. C’est aussi un européen, je dirai presque un mondialiste convaincu. Plus que tout autre il pourra s’opposer à la dérive nationaliste des néo populistes européens.
Contrairement à la plupart de ses pairs qui se sont souvent enfermés dans des positions idéologiques sans issue, ce qui fait sa différence c’est son ouverture vis-à-vis de toutes les parties prenantes. Lors d’un discours de clôture d’un colloque auquel nous assistions la semaine dernière à La Rochelle il déclarait : « si en un claquement de doigt je pouvais remplacer tout le charbon de la planète par du gaz naturel et ce sans mettre en œuvre ni une éolienne ni un panneau solaire, je résoudrais instantanément la problématique climatique ». Cette seule phrase, certes un peu provocatrice, démontre à quel point il possède l’objectivité requise pour occuper ce poste.