L’enseignement de l’économie est un sujet sensible et hautement polémique. Son contenu est un enjeu de lutte entre les disciplines qui structurent le champ des sciences humaines comme entre les tendances idéologiques qui les animent, chacune d’elles ayant la conviction de n’être pas suffisamment représentées dans les programmes en vigueur. Trouver un point d’équilibre aussi neutre que possible est pourtant nécessaire car de l’orientation donnée à cet enseignement dépend la construction intellectuelle des futurs citoyens.
Or le compromis actuel n’est pas du tout satisfaisant. Il ne garantit l’équilibre ni entre l’analyse économique et la sociologie, ni entre la micro et la macro-économie, ni entre le courant libéral et le courant interventionniste .
C’est ce que montre cette note à travers un examen attentif du contenu du manuel Hatier qui est l’un des deux manuels de sciences économiques et sociales (SES) les plus utilisés en classe de seconde. Il y sert de support à l’enseignement d’exploration de SES proposé à la très grande majorité des élèves. Mais, par la suite, la plupart d’entre eux feront le choix de ne pas aller plus loin dans cette discipline. Ce qu’ils ont reçu en classe de seconde leur tiendra donc lieu de viatique en économie pour le reste de leur vie.
On mesure bien l’importance de l’enjeu dès lors qu’on se préoccupe du niveau des français en économie. Le moins qu’on puisse dire est que ce manuel, comme ses concurrents, ne contribue pas à l’élever. Or on sait que la prospérité d’un pays est étroitement liée à la culture économique de ses citoyens, comme l’établit clairement l’étude publiée par l’institut Sapiens en mai dernier où nous avons rappelé que selon l’économiste Edmund Phelps, le manque de culture économique des français fait perdre à notre pays un point de croissance par an. Même si culturellement les comportements économiques sont longs à changer, il faut sans attendre remédier à nos archaïsmes dans ce domaine. Il faut d’urgence faire évoluer le contenu des programmes de SES en vigueur, programmes dont les auteurs de manuel ne font qu’appliquer les directives. Une commission présidée par Philippe Aghion y travaille. On ne peut qu’espérer que le fruit de ses réflexions sera fructueux tant le contenu des manuels actuellement en vigueur laisse à désirer.